Nous sommes les robots

Les premiers robo-advisors existent depuis près de vingt ans dans les services de gestion de patrimoine au États-Unis, mais on les trouve aujourd’hui de plus en plus à travers le monde, dans diverses applications, à bien meilleurs coûts que leurs homologues humains. L’occasion de faire le point sur les opportunités (et les risques) induits par ce développement.

Les robo-advisors sont « nés » lorsque les entreprises ont cherché à réduire leurs coûts d’intégration des clients bénéficiaires de retraites et qu’ils ont voulu se démarquer grâce à une meilleure expérience client. « Les robo-advisors proviennent du profilage très simple effectué par les fournisseurs de gestion de patrimoine et de pensions lorsqu’ils accueillent de nouveaux clients ou lorsqu’ils examinent leur appétence au risque et leurs horizons de placement, » explique Anders Kirkeby, Vice-President Enterprise Architecture chez SimCorp « Leur client doit donner une note à 1 à 3 paramètres que les fournisseurs utilisent ensuite pour choisir le poids des différents produits inclus dans le portefeuille. Les conseils fournis par des robots s’efforcent d’améliorer ce modèle. Cela devient intéressant lorsque le robo-advisor apporte une telle valeur ajoutée que les fournisseurs traditionnels peuvent être désintermédiés au point que le client n’utilise plus que le robo-advisor pour allouer ses fonds dans des ETF. Cela réduit les coûts et peut éventuellement permettre d’offrir un service direct, similaire à celui des grandes entreprises comme Alphabet par exemple.

Anderskirkeby
Anders Kirkeby

« Toutefois, si les robo-advisors devaient évoluer suffisamment, cela pourrait menacer certaines tâches des gérants et analystes de portefeuilles », commente M. Kirkeby. « L’attention s’est focalisée sur les pensions car elles brassent un fort volume d’activité, mais les robo-advisors accélèrent également leur rythme de croissance dans les niveaux inférieurs de la gestion de patrimoine là où les services individualisés s’avèrent trop chers par rapport au rendement obtenu ces dernières années. »

Alors que le digital sous toutes ses formes s’intègre chaque jour un peu plus dans notre société, les ‘conseillers humains’ deviennent-ils obsolètes ? Alors qu’encore récemment des personnes en chair et en os composaient l’ensemble des conseillers financiers, quelle est leur part actuelle ? « Cela dépend du contexte, » explique Kirkeby. « Si vous regardez toute la chaine, certains clients utilisent probablement uniquement des robo-advisors pour choisir comment pondérer leurs allocations dans les quelques EFT sélectionnés. Mais les ETF sont toujours gérés par des gérants de portefeuilles, et les humains sont toujours impliqués dans toutes les prises de décision. » Le niveau d’intervention humaine ne va donc pas être réduit à zéro ? « Probablement pas. L’intelligence artificielle et les robo-advisors peuvent probablement rendre les marchés plus efficaces tout en baissant considérablement les coûts si on trouve le bon équilibre. Mais les marchés des capitaux se sont toujours montrés très résistants face aux innovations imaginées pour rechercher les points d’inefficacités sur les marchés qui pourraient être optimisés. »

Les ordinateurs étant par définition rationnels, est-il correct de penser que les robo-advisors pourront, dans un avenir proche, éviter un krach boursier mondial ? En d’autres termes, les crises financières comme celle de 2008 appartiennent-elles au passé ? « Je ne pense pas qu’il y ait réellement de corrélation entre ces éléments, » déclare Kirkeby. « Les conseils offerts par les robots n’auront aucun impact sur la stabilité des marchés. En principe, on pourrait imaginer au contraire que les épargnants agissent de façon irrationnelle face aux événements en utilisant des outils en libre-service, ce qui peut provoquer un comportement grégaire engendrant alors de nouveaux ‘flash crashs’. Mais les systèmes de robo-advisors ne sont pas des plateformes de spéculation. Ils intègrent naturellement certains délais. Ainsi, si un robo-advisor peut avoir un impact positif sur la stabilité des marchés, c’est tout simplement parce qu’il réduit le poids des stratégies d’investissement actives pour favoriser les trackers indiciels, ETF et autres produits financiers plus simples et moins volatils.

Cela nous amène donc à la question la plus évidente : quels sont les garde-fous inclus dans ces logiciels pour éviter des problèmes informatiques qui pourraient avoir des conséquences systémiques ? « A moins d’effectuer des tests plus poussés, je ne peux vous répondre catégoriquement. Je peux toutefois spéculer, » explique Kirkeby. Les fournisseurs de plateformes de conseils robotisés devraient réaliser des vérifications renforcées par un examen manuel ce qui ralentirait certains changements. Ce test ressemble à la procédure mise en place par certaines banques pour enquêter sur une fraude potentielle. Dans ce cas, elles bloquent une transaction provenant d’une nouvelle zone géographique tant que leur client n’a pu leur confirmer qu’il s’agissait d’une tentative réelle de leur part d’utiliser leur carte de crédit dans ce pays en particulier. »

Avec l’accélération du rythme de développement des logiciels, les robo-advisors deviennent-ils LA révolution technologique que le monde financier attendait, ou ne sont-ils que la première étape vers des systèmes toujours plus performants ? « Pour moi, les robo-advisors dans leurs formes actuelles sont une technologie d’amélioration. Mais une fois que l’intelligence artificielle sera plus aboutie, elle peut amener à créer des plates-formes de robo-advisors qui réduiront certains avantages qu’ont les investisseurs institutionnels sur les investisseurs privés et sur les régimes de retraites privés, » ajoute Kirkeby.

Qu’en est-il de la sécurité ? Des entreprises, organisations, voire même des pays malveillants améliorent continuellement leurs capacités de piratage, que peut-on donc faire pour éviter d’avoir à affronter de graves problèmes dans ce domaine, à l’échelle locale, internationale ou même l'échelle mondiale ? « Il me semble que le plus grand risque ici pourrait venir d’acteurs qui utiliseraient leur compréhension profonde du fonctionnement interne d’un plate-forme de robot-conseiller donnée dans l’intention de nuire. Si leurs connaissances sont assez évoluées, ils pourraient opérer contre la plateforme de robo-advisor. Toutefois, il leur faudrait un capital substantiel pour que le volume de leurs opérations ait un impact suffisant sur le marché pour faire une différence. »