Les obligations émises par les détaillants américains suscitent l’inquiétude

Regina Borromeo, Portfolio Manager and Head of International High Yield, Brandywine Global (une filiale de Legg Mason )

Le secteur du retail américain est de plus en plus confronté à des cas de liquidation, de banqueroute, ainsi qu’à la désorganisation du marché provoquée par le commerce électronique. Un nombre croissant de détaillants – des enseignes haut de gamme aux épiceries, en passant par la distribution hard discount – éprouvent de grandes difficultés. Le même phénomène est d’ailleurs observé en Europe. Les problèmes actuels sont attribués à un cocktail dangereux de taux d’endettement élevés (dus à des rachats et à des chaînes d’approvisionnement rigides et coûteuses) et au manque de réactivité du secteur face au changement dans le comportement d’achat des consommateurs.

Le commerce de détail américain est affecté tant par des effets cycliques que structurels, des problèmes qui inquiètent les investisseurs autant que les problèmes auxquels avait été confronté le secteur de l’énergie en 2014-2015. Ces crédits problématiques se traduiront-ils l’an prochain par un plus grand nombre de défauts de paiement de ces obligations, et par une hausse des primes de risque ? Actuellement, le secteur affiche le “distressed ratio” le plus élevé de tous les secteurs américains émetteurs d’obligations high yield.

Comme le secteur énergétique autrefois, le secteur du retail peut également se tirer d’affaire. Mais il faut pour cela qu’il adapte ses modèles de prévision et d’entreprise. Lorsqu’ils ne parviennent pas à réaliser leurs prévisions bénéficiaires, les détaillants recourent à des excuses standard : les mauvaises conditions climatiques, les caprices de la mode, des activités promotionnelles trop agressives, la hausse des coûts ou le département informatique qui ne peut fournir à temps une vue correcte de l’inventaire. Mais aujourd’hui, il y a l’effet Amazon.com . Ce géant du commerce électronique a bouleversé la manière dont le marché regarde, choisit, achète et retourne les produits et les services.

De plus, Amazon.com a augmenté son offre de manière agressive, tant dans les canaux de vente traditionnels qu’en ligne, en reprenant Whole Foods, en déroulant Prime Wardrobe et passant un nouvel accord avec Nike . En 2015, Amazon.com a même tenté de se positionner sur le marché du luxe. C’est à croire que le consommateur veut aujourd’hui tout sur demande, des produits d’épicerie aux vêtements de soirée.

Les commerces de détail traditionnels ont du mal à tenir tête à la concurrence dans le commerce en ligne. Résultat : les performances des obligations émises par le secteur de la distribution ont été inférieures à la moyenne du marché. En base annuelle, le secteur du retail se tient mal en 2017 : le rendement, de 0,38 % au 28 juin 2017, est à peine positif, alors que le rendement du reste du marché high yield américain affiche 4,8 %.

Si les détaillants américains souhaitent réussir à long terme, ils doivent trouver le moyen de combiner leur présence physique et en ligne, ils doivent contrôler leur propre chaîne d’approvisionnement et s’adapter aux modifications importantes que subit le comportement d’achat des consommateurs. Les réductions de prix et les promotions ne sont pas une solution pour le problème clé : trouver la manière de concilier le comportement des consommateurs avec les dettes d’entreprises intenables et des résultats d’exploitation faibles, voire négatifs.