La croissance économique mondiale reste encourageante, bien que modérée

Kevin Leech, Directeur des investissements de Western Asset Management, filiale de Legg Mason

Les marchés émergents et les secteurs à spreads élevés offrent les meilleures opportunités aux investisseurs obligataires

Le redressement des économies mondiales se poursuit. Bien que modérée d’un point de vue historique, la reprise de la croissance mondiale reste d’actualité. L’inflation sous-jacente reste faible.

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Kevin Leech

Le niveau d’inflation actuel continue de nous étonner. Cela signifie que le processus de normalisation des politiques monétaires sera extrêmement lent. Par conséquent, la faiblesse des taux directeurs continuera de soutenir les bons du Trésor et les titres souverains. Nous n’anticipons aucune hausse majeure ou brutale à court terme.

Les secteurs à spreads élevés devraient continuer à surperformer ; nous nous positionnons de préférence en dehors des Etats-Unis, avec un biais sur les marchés émergents qui offrent selon nous de belles opportunités.

Perspectives de croissance et d’inflation à l’échelle mondiale : la prudence est de mise

Il ne faut pas perdre de vue que l’inflation mondiale reste extrêmement modérée, bien qu’elle soit actuellement en progression. De nombreux responsables de banques centrales s’étonnent de la faiblesse affichée par l’inflation par rapport aux prévisions, compte tenu de la reprise de la croissance.

Les banques centrales aimeraient faire évoluer leur positionnement ultra-accommodant vers une politique moins souple. De toute évidence, la Fed a déjà engagé ce processus et affiche sa volonté de poursuivre dans cette voie. À l’échelle mondiale, l’enjeu fondamental sera de voir comment ce processus va concrètement se mettre en place.

Perspectives de croissance et d’inflation aux Etats-Unis

En ce qui concerne les prévisions du taux de croissance aux Etats-Unis : nous avons relevé notre estimation pour le premier semestre de 2 à 2,5 %, ce qui est désormais en ligne avec prévisions de la Fed. Ce chiffre reste probablement inférieur aux prévisions de nombreux acteurs du marché. Nous pensons à présent qu’il est peut-être nécessaire de revoir nos pronostics à la baisse : en dépit d’un léger redressement, la reprise que nous espérions commence à s’essouffler. Nous prévoyons un taux de croissance au second semestre davantage dans la fourchette de 1,5 à 2 %. Ce chiffre est inférieur au précédent, mais il est en ligne avec l’évolution de l’économie mondiale au cours des cinq dernières années.

Bonne nouvelle : depuis la crise financière, le poids de la dette a été transféré des bilans privés vers les comptes publics, où il peut être financé et assumé plus facilement. Mais les niveaux d’endettement restent plus élevés qu’ils ne l’étaient durant la crise, ce qui continue d’entraver la croissance. En ce qui concerne les anticipations d’inflation, nous avions espéré l’été dernier avoir atteint les niveaux planchers, afin de dissiper les craintes de déflation et d’aller de l’avant… C’est pourquoi il ne faut pas pécher par excès d’optimisme ni espérer une reprise trop rapide de la croissance.

Il va falloir observer très attentivement si la hausse des salaires va, oui ou non, se concrétiser, compte tenu de la faiblesse du taux de chômage et de la trajectoire croissante de l’économie. Nous pensons, comme Janet Yellen, que la hausse des salaires n’est pas un phénomène généralisé. Les salaires horaires moyens ont tendance à stagner, l’indice du coût de l’emploi manque de vigueur, les chiffres de l’emploi ont reculé la semaine dernière. La situation n’évolue pas aussi rapidement que ce que les modèles auraient pu prévoir.

Opportunités d’investissement : cap sur les marchés émergents

Les obligations d’Etat restent vraisemblablement le secteur le moins attrayant. Les secteurs à spreads élevés devraient continuer à être les plus performants pour les investisseurs obligataires. Ils devraient être en mesure de surperformer les obligations souveraines et les bons du Trésor à moyen et long terme.

Nous surpondérons les secteurs à spreads élevés. Dans chacun de ces secteurs, à l’exception des titres américains adossés à des créances hypothécaires, nous avons revu nos surpondérations à la baisse pour les expositions américaines et à la hausse pour les expositions hors US. Les marchés émergents ont constitué notre thème central. Nous continuons de penser que ces marchés offrent les meilleures opportunités pour les investisseurs susceptibles d’en tirer profit.

Le secteur bancaire et financier continue d’être l’un des plus grands bénéficiaires de la victoire de Donald Trump. La loi Dodd-Frank et les accords de Bâle restent très stricts en termes de maîtrise des niveaux d’endettement, des ratios de fonds propres et des prises de risques. Mais leur application sera nettement plus souple selon nous. La hausse des taux courts et l’amélioration de la croissance sont également favorables.

Les obligations à haut rendement ont enregistré d’excellents résultats. La croissance modérée, la faiblesse de l’inflation et la prudence des banques centrales ont constitué un environnement particulièrement propice. Le nombre de défauts en dehors des secteurs de l’énergie et des matières premières est extrêmement faible, ce qui explique pourquoi les titres à haut rendement se sont redressés de façon aussi marquée.

Au sein du secteur obligataire, la plupart des marchés émergents sont attractifs. Dans un contexte mondial de rendements particulièrement faibles, les investisseurs obligataires ont très peu d’opportunités sur les marchés développés. En revanche, les marchés émergents offrent des rendements et des niveaux de valorisation très attrayants. Pourtant, ces marchés ont traversé une période baissière, notamment en raison des craintes de déflation et de récession mondiale, des inquiétudes liées à la Chine et de la chute des prix des matières premières. Cependant, d’autres arguments plus favorables plaident en faveur des marchés émergents, notamment la nette amélioration des fondamentaux : la croissance mondiale reprend et les prix des matières premières se sont stabilisés. Les valorisations solides laissent entrevoir la possibilité d’un mouvement haussier significatif sur les marchés émergents. Il ne faut pas perdre de vue les points négatifs, mais les aspects positifs prennent largement dessus.

Quelles sont les enjeux et risques potentiels à surveiller ?

Tout d’abord, la Chine : la croissance du PIB chinois a fortement augmenté. Les autorités locales ont pris de très importantes mesures de relance de l’économie, qui ont permis d’apaiser les craintes d’une récession généralisée exprimées dès 2016 et de créer un environnement beaucoup plus favorable. En conséquence (il y a toujours des avantages et des inconvénients), le ratio dette/PIB a augmenté. Les autorités chinoises ont également évoqué la nécessité de réduire les projets d’infrastructures et ont déjà commencé à agir dans ce sens. Plus tôt dans l’année, la baisse des réserves de change a posé problème, avant d’être endiguée par un grand nombre de mesures de contrôle des capitaux. Ce resserrement des conditions monétaires internes a eu des répercussions sur le marché obligataire chinois. Le point à souligner ici, c’est que nous ne pouvons pas parler d’effondrement de la Chine. Un contexte politique plus neutre devrait susciter un ralentissement de la croissance chinoise l’an prochain.

Quant à l’Europe, la croissance est bonne, mais elle ne devrait pas s’accélérer. L’Europe est de toute évidence un continent coupé en deux, entre nord et sud. Au nord, la croissance a été très solide. Nous pensons qu’elle se maintiendra à des niveaux acceptables, mais qu’elle devrait ralentir quelque peu au fil du temps. Le fait que les banques centrales commencent à supprimer la corne d’abondance suggère qu’il est peu probable que le taux de croissance s’accélère de manière significative.»