Les marges bénéficiaires des entreprises américaines sont sous pression et la crainte d’une récession augmente - faut-il s’attendre à une baisse des taux d’intérêt ?

Les investisseurs sont actuellement plus préoccupés par la situation politique et la croissance économique que par les conflits commerciaux, constate Keith Wade, chef économiste chez Schroders. L’inversion de la courbe des taux renforce la crainte d’une récession aux États-Unis. Sauf en 1966, les neuf dernières récessions aux États-Unis ont toutes été précédées d’une courbe inversée. Schroders estime actuellement à 36 % la probabilité de voir entrer les États-Unis en récession dans les douze prochains mois, soit le pourcentage le plus élevé depuis 2007.

Diminution des marges

Bien que les indicateurs à court terme soient encore faibles, Schroders prévoit toujours une reprise de l’activité au deuxième trimestre. Les quelques signes positifs perceptibles sont encourageants. Par exemple, les prix des matières premières se sont stabilisés (les métaux industriels ont augmenté de 3,8 % le mois dernier), l’indice global des directeurs d’achats (PMI) a augmenté en février, tandis qu’aux États-Unis, l’ISM composite s’est renforcé et le marché immobilier s’est stabilisé. Les ventes au détail dans la zone euro se sont redressées en janvier et sont restées fortes en Allemagne et en Espagne en février, ce qui a permis à la région de bien commencer le premier trimestre.

Mais le contraste est net entre le secteur des services et celui de l’industrie. Dans le secteur de la production de biens, l’accumulation des stocks aura un impact négatif sur la conjoncture, surtout dans la zone euro et notamment au Royaume-Uni (pour des raisons liées au Brexit). Les rapports sur le PMI montrent que les entreprises des marchés développés devront réduire leur production pour rétablir l’équilibre entre leurs stocks et leur carnet de commandes. En revanche, les marchés émergents semblent en meilleure position et connaîtront sans doute un regain d’activité au cours des prochains mois.

À court terme, l’amélioration de l’activité économique dissipera une partie des préoccupations des investisseurs. Mais à un peu plus long terme, Schroders prévoit bel et bien un ralentissement de la croissance aux États-Unis lorsque l’effet des mesures de stimulation s’estompera. Par ailleurs, les prévisions d’inflation plus basse ont conduit les banques centrales à adopter une attitude plus accommodante. Ce changement est positif pour les marchés, mais l’inflation en baisse met aussi les marges bénéficiaires sous pression. Les entreprises sont confrontées à une augmentation des coûts salariaux et si elles ne peuvent pas la répercuter sur leurs prix, elles doivent empiéter sur leurs marges bénéficiaires. Récession dans les bénéfices des sociétés Schroders s’attend à ce que les marges bénéficiaires soient mises sous pression, notamment aux États-Unis. La prudence est donc de mise en ce qui concerne les bénéfices des entreprises américaines au cours des prochains trimestres. D’après les prévisions, les bénéfices des sociétés américaines devraient culminer au troisième trimestre de cette année. La croissance économique devrait ensuite ralentir, de même que la croissance des bénéfices. D’après les prévisions, les bénéfices enregistreront une croissance de 6 % en 2019, avant de retomber à près de 4 % l’année suivante. Une croissance économique modérée entraîne une baisse de l’utilisation des capacités et met les bénéfices sous pression. Les marges bénéficiaires se contractent en raison de la hausse des coûts salariaux, tandis que l’inflation et la productivité sont sous pression à cause du ralentissement de la croissance économique.

La baisse des marges bénéficiaires annonce-t-elle la fin du cycle actuel ?

La pression sur les résultats des entreprises entraîne généralement une baisse des flux de trésorerie, qui entraîne à son tour une inévitable réaction des entreprises. Ces dernières réduisent leurs dépenses en main-d’œuvre et en capital. Cette réduction des dépenses affaiblit le PIB et entraîne une baisse des revenus, une perte de confiance et une baisse des dépenses des consommateurs. Tout ceci peut à son tour mettre fin au cycle et conduire à une récession. Ce serait cohérent avec la courbe de rendement inversée, qui est généralement un indicateur fiable d’une récession imminente.

Ou bien le cycle peut-il se poursuivre ?

Pour que le cycle actuel puisse se poursuivre, il faut prévenir la réduction des marges. Pour ce faire, les entreprises peuvent maîtriser le coût salarial ou améliorer leur productivité. C’est possible, mais ce sera difficile étant donné la pénurie de main-d'œuvre sur le marché du travail. Une surprise positive pourrait venir du côté de l’offre sur le marché du travail puisque l’augmentation du taux d’emploi permettrait de contrer la pression salariale.

Une autre option consisterait à ce qu’une demande plus forte puisse soutenir la production, ce qui stimulerait ainsi l’utilisation de la capacité et la productivité. Ce renforcement de la demande pourrait découler d’une demande émanant de Chine ou d’un assouplissement de la politique monétaire de la Fed par une baisse des taux d’intérêt. La banque centrale subira sans doute une pression politique accrue l’année prochaine à l’approche des élections présidentielles. La Fed sera confrontée à un ralentissement de la croissance et de l’inflation et il n’y aura donc pas vraiment d’obstacle à ce qu’elle assouplisse sa politique.

Baisses de taux d’intérêt en vue

Schroders prévoit deux baisses de taux de la Fed en 2020. Pour l’instant, Schroders table sur une baisse en juin et une autre en septembre de l’année prochaine, mais le tout sera de voir s’il ne sera pas trop tard pour éviter qu’une récession des profits ne provoque une récession économique à part entière. Lors de l’évaluation des risques, les investisseurs devront mettre en balance un assouplissement de la politique monétaire et une baisse des bénéfices attendus.