Cycle de crédit mondial – la fête est finie ?

Michael C. Buchanan, Deputy Chief Investment Officer, et Robert O. Abad, Portfolio Strategist, Western Asset (une filiale de Legg Mason)

La phase d’expansion du cycle de crédit mondial dure depuis à présent 10 ans. Beaucoup en prédisent la fin. Nous observons en effet une combinaison inquiétante de signaux qui imposent la prudence. Toutefois, nous ne décelons aucun catalyseur à court terme prêt à précipiter la fin de la « fête ». En fait, la solidité de la croissance mondiale, les taux d’intérêt bas et des fondamentaux de crédit stables nous donnent plutôt à penser que les performances du marché des crédits pourraient s’améliorer au-delà des prévisions actuelles.

Leggmasonmichaelbuchanan
Michael Buchanan
Pourquoi, depuis la crise financière mondiale, avons-nous continué de croire que ce cycle de crédit durerait plus longtemps que les précédents ? Tout d’abord, la crise a touché de façon disproportionnée les marchés développés. Elle a gravement entamé la prospérité mondiale et ébranlé la psychologie des marchés des personnes, des entreprises et des gouvernements. Alors que nous nous attendions à un vif rebond de certains secteurs de l’économie mondiale, comme les marchés émergents, nous sentions que le rétablissement des pays développés serait beaucoup plus long. Ensuite, les banques centrales ont pris des mesures exceptionnelles. Au pire de la crise, l’attitude absolument déterminée de grandes banques centrales a montré qu’elles comprenaient l’urgence de préserver l’intégrité du système financier et de restaurer le sentiment du marché. Enfin, les régulateurs du marché ont procédé à des changements bénéfiques. À l’échelle mondiale, ils ont plaidé pour des changements qui ont permis de limiter les effets de levier, d’assainir les bilans et d’améliorer la liquidité. Ces changements ont consolidé l’expansion et donné de l’élan aux actifs à risque.

Signaux comportementaux de dernière phase du cycle

Robertabad
Robert Abad

Cela étant, nous notons quelques signaux révélateurs d’un comportement de fin de cycle. Des phénomènes tels que des engagements plus faibles dans les titres sous-jacents qui exposent les investisseurs à un risque accru, une utilisation douteuse des lignes de crédit (renouvelables), une préoccupation croissante à l’égard du rendement pour les actionnaires et une augmentation des activités de fusion et acquisition financées par emprunt et des effets de levier, qui sont étroitement liés à la croissance rapide du segment du marché du crédit noté BBB, s’installent discrètement. Il convient d’y ajouter le risque qu’un catalyseur imprévu déclenche une vague de détérioration des notations. La panique n’est cependant pas de mise. Vu le degré d’incertitude sur le marché actuel, les investisseurs ont raison de se demander quel est le type d’exposition au risque approprié. La réponse dépend de votre estimation de notre position dans le cycle de crédit mondial, des évaluations de la « juste valeur » pour chaque secteur du crédit et de la tolérance au risque de votre portefeuille. Selon la sagesse populaire, dans un environnement tel que le nôtre, un vaste portefeuille de marché devrait avoir une exposition minimale aux secteurs à bêta plus élevé. Nous pensons toutefois que cette appréciation est erronée eu égard à des dynamiques descendantes et ascendantes uniques.

Notre opinion

  • Les investisseurs devraient envisager une répartition saine de crédit aux entreprises tant américaines qu’européennes à notation élevée et à haut rendement. Les écarts entre ces marchés ont récemment augmenté, mais on parle à nouveau d’amenuisement du rendement.
  • Les sous-secteurs qui offrent une valeur relative intéressante et se montrent moins sensibles aux droits de douane sont la finance, l’énergie et les industries de base. Nous mettons également l’accent sur les émetteurs de qualité supérieure, comme les « étoiles montantes ».
  • Une répartition tactique dans les marchés émergents (en prêtant attention au risque entre pays) est judicieuse dans la mesure où les émetteurs souverains et privés libellés en dollars se remettent encore de l’effondrement des prix des matières premières et du ralentissement de l’activité économique chinoise.
  • Le crédit structuré – hypothécaire et à la consommation – doit aussi être envisagé car nous pensons que le secteur se trouve entre la phase initiale et la phase intermédiaire du cycle de crédit.

  • Sachant que les marchés pourraient devenir plus volatils au cours des prochains mois, nous privilégions une allocation en prêts bancaires.
  • Notre préférence va aux titres de créance adossés à des prêts (CLO) en mettant l’accent sur les tranches de la plus haute qualité (notées AAA) compte tenu de leur historique de résilience durant les périodes de grave dislocation des marchés et de leur profil de portage contraignant par rapport à d’autres marchés de crédit.
  • Vu les inquiétudes actuelles des marchés au sujet des tensions commerciales et du Brexit, nous estimons prudent de détenir une allocation dans les bons d’État américains.

    Nous avons connu trois ralentissements du cycle du crédit au cours des 30 dernières années, chacun étant associé à un resserrement marqué des conditions financières mondiales ou à un ralentissement économique prolongé lorsque les taux de défaillance des entreprises ont fortement augmenté. Nous ne décelons toutefois actuellement aucun catalyseur à court terme prêt à déclencher de tels scénarios. À moins d’une guerre commerciale sans merci ou d’un événement déclencheur du risque de perte extrême, nous avons bon espoir que la croissance mondiale solide, le faible taux d’inflation, l’activisme des banques centrales et la stabilité des fondamentaux du crédit prolongent la durée de ce cycle mondial du crédit.