Schroders: La politique commerciale de Trump aura des conséquences radicales pour l’économie mondiale

Si le président Trump parvient à éliminer le déficit commercial américain, cela pourrait avoir un effet positif pour la croissance économique américaine. Mais les conséquences pour l’économie mondiale risquent d’être considérables. L’impatience et la versatilité dont le président Trump fait preuve dans le domaine du commerce mondial sont d’une importance critique. Robin McDonald, gestionnaire de fonds chez Schroders , analyse dans un article les effets potentiels de la politique commerciale de Donald Trump sur l’économie mondiale.

Bretton Woods remis en question

Au début des années ‘70, les devises se sont mises à fluctuer librement, ce qui a radicalement changé la nature du commerce mondial. De 1929 à 1980, le compte courant des États-Unis a été plus ou moins en équilibre. À partir de 1980, il a commencé à se détériorer: la valeur nette des importations américaines est devenue supérieure à celle des exportations. Entre 1980 et 2015, le déficit commercial a continué d’augmenter jusqu’à atteindre un total cumulé de plus de 10 milliards de dollars. Durant cette période, les échanges commerciaux avec les USA ont transformé l’un après l’autre les pays partenaires, dont la croissance était alimentée par les exportations. La Chine en est l’exemple le plus éloquent. Tant les États-Unis que leurs partenaires commerciaux en ont profité considérablement.

Les partenaires commerciaux voyaient leur économie se développer grâce aux nouveaux emplois créés et à l’augmentation de la prospérité. Les importations bon marché freinaient l’inflation et l’afflux de capitaux étrangers, permettant ainsi aux taux d’intérêt américains de baisser jusqu’à pratiquement 0%, après avoir atteint les 20% en 1980.

Les États-Unis ont ainsi pu financer leur déficit budgétaire à des conditions très avantageuses. Les ménages américains ont profité des biens d’importation à bas prix et des taux d’intérêt peu élevés, ce qui a permis une augmentation de l’octroi des crédits et des dépenses de consommation et ce, en dépit de la stagnation des salaires. Les entreprises américaines ont vu leurs marges bénéficiaires augmenter à mesure que les frontières internationales s’ouvraient et que l’offre de main-d'œuvre devenait pour ainsi dire infinie.

Jusqu’à la crise financière, l’endettement n’a pas été réduit, mais la dette américaine a au contraire grossi. Le système proprement dit n’a pas changé durant les années qui ont suivi la crise. Et malgré les milliards de dollars de mesures de stimulation monétaire, le doublement de la dette publique, les taux ultra-bas, un taux obligataire qui a atteint son record le plus bas et des actions qui atteignent leur record le plus élevé, l’économie américaine connaît la croissance économique la plus faible de son histoire depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le cycle est faible, mais en plus, la répartition de la richesse présente un fort déséquilibre. Les États-Unis restent un des pays les plus riches du monde. Mais la répartition inégale des richesses, l’inégalité des revenus et le ressenti d’une inégalité des chances sur le plan social ont finalement contribué à un fort mécontentement. Et c’est alors que Trump est arrivé au pouvoir.

Le déficit commercial ne s’élimine pas en un claquement de doigt ou en un clin d’oeil…

Le Président Trump a l’intention d’éliminer le déficit commercial. Son argument est que le système de Bretton Woods pèche par son incapacité à prévenir les déficits commerciaux de grande ampleur à cause de la manipulation des taux de change et des pratiques commerciales déloyales. Cela entraînerait des pertes d’emplois en Amérique et cela expliquerait pourquoi les salaires sont moins élevés. Mais d’après Robin McDonald, ce n’est qu’une partie de l’histoire. L’économie mondiale s’est construite sur 35 ans de déficit commercial américain. Il est difficile de faire machine arrière sans provoquer d'importantes ruptures.

En 2015, le déficit commercial américain s’élevait à 500 milliards de dollars américains. Si ce déficit disparaissait en 2015, cela signifierait en théorie que la balance commerciale du reste du monde serait amputée du même montant. Le déficit commercial avec la Chine s’élevait à 347 milliards de dollars, soit 3% du PIB chinois. Si ce déficit disparaissait d’un coup de baguette magique, l’économie chinoise se contracterait à hauteur du même montant et cela représenterait aussi pour la Chine la perte indirecte d’un nombre énorme d’emplois, d’investissements et de dépenses de consommation.

Des effets indirects... aussi pour les USA

Robin McDonald pense que les effets indirects auraient aussi un impact négatif pour les États-Unis. L’inflation et les taux d'intérêts repartiront probablement à la hausse. Le crédit se resserrera et les marges bénéficiaires fondront. Tout cela donne un mélange toxique pour une économie lourdement financée comme l’économie américaine. De plus, le déficit commercial américain génère une injection de dollars américains dans l’économie mondiale, ce qui permet de financer le commerce mondial. S’il n’y a pas suffisamment de dollars américains dans le système, le commerce mondial risque l'asphyxie.

Schroders pense que Donald Trump est à la fois ambitieux et impatient, ce qui ne promet rien de bon en termes d’évaluation des effets directs et indirects et pour la prise de décisions mûrement réfléchies. Son approche du commerce mondial sera d’une importance cruciale. Le déficit commercial ne disparaîtra pas d'un coup de baguette magique. Schroders espère que tant que Donald Trump sera au pouvoir, il axera sa politique sur un renforcement structurel de la capacité de production de l’économie américaine et sur l'augmentation de la demande mondiale totale, plutôt que sur le désendettement.