L’inflation basse persistante entrave la normalisation de la politique monétaire

Les déclarations de Mario Draghi lors de la réunion de la BCE à Sintra au Portugal avaient un autre ton, plus haussier. Mario Draghi a souligné qu’une politique accommodante restait nécessaire, tout en soulignant la hausse de l’activité en Europe et la diminution des risques baissiers. Le président de la BCE a-t-il ainsi laissé filtrer l’imminence d’un changement dans la politique monétaire? Keith Wade, économiste en chef chez Schroders , pense que les choses n’iront pas jusque là, parce que l’inflation reste désespérément basse et qu’une normalisation n’est dès lors pas à l’ordre du jour pour l’instant.

La faiblesse de l’inflation fait obstacle à une normalisation

L’économie mondiale reprend vigueur, ce qui implique normalement aussi une normalisation de la politique monétaire. Mais l’inflation basse persistante continue de perturber la partie. Tant sur les marchés développés que sur les marchés émergents, l’inflation a encore reculé de manière inattendue, en partie sous l’effet de la baisse des prix pétroliers. Même l’inflation sous-jacente, celle qui ne tient pas compte des prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques, est sous pression. Aux États-Unis, alors qu’elle atteignait encore 2,5% sur une base annuelle en janvier, elle est retombée à 1,3% en juin. Il y a des signes indiquant que la baisse ne découle pas de facteurs ponctuels, mais que les causes sont plus vastes.

Disruption dans le commerce de détail

L’inflation augmente généralement à mesure que le cycle économique touche à sa fin. Mais aux États-Unis, l’inflation reste à la traîne, de même que la croissance salariale, malgré le manque persistant de main-d’oeuvre sur le marché du travail. Une des explications avancées par Keith Wade est notamment l’effet des développements technologiques sur le commerce de détail. S’il est vrai que les ventes au détail ont progressé de 4% sur une base annuelle, les marges sont sous pression et l’emploi ne progresse plus dans le secteur. La croissance salariale dans le secteur est retombée de 2,8% sur une base annuelle l’an passé à seulement 1,2% en juillet, ce qui comprime la croissance salariale au sein de l’économie américaine. Les détaillants traditionnels perdent de plus en plus de parts de marché au profit des détaillants qui opèrent sur la toile. Keith Wade y voit un exemple classique d’un changement structurel disruptif sur un marché existant, qui est causé par l’innovation technologique. Pour Keith Wade, les conséquences de ce changement sont durables et l’inflation sur une base annuelle va continuer à baisser durant le second semestre de 2017.

Allègement de bilan aux États-Unis

La situation aux États-Unis est complexe en raison de l’intention de la Fed d’alléger son bilan. La Fed ne va pas vendre activement des actifs, mais même le simple fait de ne plus réinvestir les emprunts obligataires qui arrivent à maturité limite malgré tout les liquidités sur le marché. Il peut en résulter une forte hausse du taux obligataire et un resserrement des conditions financières. La Fed en est consciente et c’est la raison pour laquelle elle a l’intention d’alléger son bilan de manière progressive. Elle présente l’allègement de son bilan comme un processus technique et non comme un volet de la politique monétaire.

Son bilan représente près du quart du PIB des États-Unis. Les marchés financiers restent encore assez impassibles par rapport aux projets de la banque centrale, mais la Fed va se retrouver en terrain inconnu. Durant la première année, l’allègement sera de l’ordre de 300 milliards de dollars, soit 1,6% du PIB, tandis que la deuxième année, il atteindra 600 milliards de dollars, soit 3,2% du PIB. La grand inconnue jusqu’ici est la taille que la Fed vise pour son bilan au terme de cette opération. Keith Wade part du principe que la Fed agira avec prudence. Compte tenu des prévisions d’inflation, la Fed ne relèvera plus son taux d’intérêt cette année. La prochaine hausse des taux d’intérêt est reportée à 2018 et Schroders table sur un taux directeur de 2% d’ici fin 2018.