Quand les libéraux se convertissent au keynésianisme

Par Florent Delorme, Macro Strategist chez M&G Investments

L’année 2019 a été marquée par le renoncement de la Fed puis de la BCE à normaliser leurs politiques monétaires. Dans un contexte de faible croissance et d’inflation, les banquiers centraux ont abandonné l’idée de sortir des politiques non conventionnelles. Ce n’est pas anodin car ces programmes devaient à l’origine être temporaires.

Le soutien de la dépense publique via les programmes de rachat de dette souveraine et la stimulation du crédit à l’économie sont maintenant ancrés dans les pratiques de nos institutions monétaires. Nombreux sont maintenant nos dirigeants et économistes à appeler au desserrement de la contrainte budgétaire en Europe pour financer des programmes d’investissement productifs. C’est le cas par exemple de Christine Lagarde, Emmanuel Macron, Laurence Boone* ou Olivier Blanchard**.

La doctrine économique ayant cours en occident, d’inspiration classique, se modifie donc en profondeur sous la pression des évènements. Qui aurait pu imaginer que les chantres de l’orthodoxie seraient amenés à épouser les thèses traditionnellement défendues par la gauche radicale : monétisation des déficits publics, hausse de la dépense et de la dette, baisse des taux et de la devise ? Toute la panoplie keynésienne est au rendez-vous.

C’est que les temps ont changé : désormais la déflation menace et les politiques de relance peuvent avoir du sens dans un tel contexte. Ce changement de séquence est notable car il clôt quatre décennies de domination de la théorie économique classique et démontre la grande plasticité du capitalisme. Le pragmatisme est de mise.

Certains représentants de l’école orthodoxe s’offusquent de cette inflexion qu’ils considèrent comme un reniement dangereux. Faut-il leur rappeler par exemple que la politique de rigueur conduite en France au début des années 30, alors même que la conjoncture était difficile, a conduit à la dépression économique ? La surévaluation de la monnaie et le niveau élevé des taux d’intérêt ont provoqué la chute de la consommation et de l’investissement. Quant à l’idée que les banques ne survivront pas à des taux durablement bas, elle semble réductrice. Ce n’est pas tant la faiblesse des taux qui pèse sur la rentabilité des banques que le durcissement des contraintes réglementaires et des exigences de fonds propres associés, le tout dans un contexte de forte concurrence.