La réponse européenne au Covid-19 - « Quoi qu’il en coûte

L’on s’attend à ce que le Covid-19 provoque la plus grave récession depuis les années ‘30. À présent que l’Europe est devenue l’épicentre de l’épidémie, Azad Zangana, économiste et stratégiste européen chez Schroders, analyse les réactions des gouvernements européens à la crise économique et leurs chances de succès.

Azadzangana
Azad Zangana

Suspension des normes budgétaires imposées par l’UE

Un premier obstacle majeur à des mesures énergiques a été levé le 23 mars avec la suspension des règles budgétaires de l’Union européenne (UE), telles qu’elles sont définies dans les critères de Maastricht. Ces critères prévoient que le déficit des États membres ne peut être supérieur à 3 % du PIB et que ceux dont la dette est supérieure à 60 % du PIB doivent viser à réduire la dette brute à moyen terme.

Les ministres européens des Finances et la Commission européenne ont suspendu ces règles en invoquant la clause de sauvegarde générale qui a été créée dans le seul but d’amortir des récessions ou des chocs économiques majeurs. Les règles relatives aux aides d’État ont également été suspendues, ce qui permet aux gouvernements d’accorder des aides publiques aux entreprises pour atténuer l’impact économique de la crise.

Dévoilement de gigantesques plans de relance

La plupart des États membres ont choisi d’aider les entreprises et les ménages à joindre les deux bouts durant cette période de perte de revenus.

Pour les entreprises, cela se traduit par des prêts, des subventions et des reports d’impôts ainsi que par des mesures d’aide pour couvrir les coûts de maintien de l’emploi du personnel. Pour les ménages, en plus des dépenses supplémentaires évidentes en matière de soins de santé, la plupart des politiques publiques visent à compenser la perte de revenus. Cette compensation revêt la forme soit de prestations sociales traditionnelles, soit de paiements contribuant à prévenir les pertes d’emploi. La plupart des gouvernements ont aussi annoncé l’octroi de garanties astronomiques pour les prêts et les crédits, le gouvernement offrant de prendre en charge une partie des pertes sur les prêts couverts par cette garantie.

Mesures de stimulation directe ou garantie de prêts : quelle est la différence ?

Il importe de faire la distinction entre les mesures gouvernementales de stimulation directe et les garanties de prêts, d’autant plus que la majeure partie de l’argent annoncé va à ces dernières. Les mesures de stimulation directe - réductions d’impôts, augmentation des dépenses, soutien direct - ont pour objectif de contribuer à augmenter les revenus à un moment où la perturbation de l’activité peut entraîner une pénurie de liquidités pour les ménages comme pour les entreprises.

Les garanties de prêt doivent, en revanche, être considérées comme une forme d’assurance et non pas comme une stimulation directe. Même si les dispositifs mis en place diffèrent d’un pays à l’autre, ils reviennent en général à permettre aux banques d’accorder des prêts dont une partie de la valeur (50 à 80 %) est couverte par une garantie gouvernementale moyennant une indemnisation. Si l’emprunteur ne rembourse pas un prêt ou si le prêt est restructuré et subit une décote, le gouvernement indemnisera le prêteur (généralement les banques).

Protection des banques

L’un des avantages de ces systèmes de garantie est qu’ils protègent le système bancaire. Après la crise financière, les banques ont été contraintes de renforcer considérablement leurs bilans. Elles n’ont sans doute jamais été aussi solides. Mais si la récession débouche sur une crise de longue durée, leur solidité sera mise à rude épreuve et elles pourraient avoir besoin d’un coup de pouce du gouvernement, voire d’opérations de sauvetage. L’utilisation de garanties de prêts permet de limiter ces risques à un stade précoce.

La garantie publique couvrant les prêts incitera-t-elle à emprunter davantage ? Il est permis d’en douter fortement. Pendant la crise financière, les dispositifs similaires qui avaient été mis en place ont été moins utilisés que prévu. En tout état de cause, les entreprises voudront conserver autant de liquidités que possible pendant qu’elles évaluent l’ampleur de la crise. Les nouvelles demandes de liquidités serviront donc à couvrir les coûts plutôt qu’à investir.

Quelle sera la force des mesures de stimulation ?

Les ressources allouées aux systèmes de garantie (en moyenne environ 15 % du PIB) sont essentiellement des passifs conditionnels pour les gouvernements. La garantie gouvernementale ne jouera que si les défauts de paiement sur prêt augmentent fortement et que ces prêts sont couverts par le régime de la garantie.

Lorsqu’ils évaluent l’ampleur de la stimulation effective, les investisseurs doivent dès lors se concentrer sur la stimulation directe annoncée (qui représente en moyenne environ 2,5 % du PIB en Europe). Ce montant est relativement faible par rapport à l’ampleur de la baisse attendue. Ces chiffres n’englobent cependant pas les projections relatives au coût des stabilisateurs automatiques, c’est-à-dire les programmes de sécurité sociale qui s’enclenchent dès que l’économie en a besoin.

Les stabilisateurs automatiques sont très généreux en Europe par rapport aux États-Unis ou à certaines parties de l’Asie, par exemple. C’est pourquoi il est moins nécessaire en Europe d’annoncer de grands plans de stimulation directe étant donné que les prestations sociales normales serviront de filet de sécurité. Les finances publiques vont se détériorer rapidement en raison de la crise. Les déficits pourraient facilement atteindre des pourcentages à deux chiffres du PIB d’ici la fin de 2020. Mais plus le soutien sera large, plus il est probable que la plupart des entreprises survivront aux périodes de lockdown, ce qui réduira au minimum la hausse du chômage tout en soutenant la reprise en V que Schroders utilise dans ses prévisions de base .