La dette infrastructure se porte mieux aujourd’hui que pendant la crise financière

La dette infrastructure n'est pas à l'abri des aléas de l’économie, mais cette classe d'actifs est sortie beaucoup plus forte de la crise financière de 2008-2009, écrit Jérôme Neyroud, Head of Investments, Infrastructure Debt chez Schroders. Cela pourrait l’aider à surmonter la crise actuelle.

Jerome neyroud
Jérôme Neyroud
Les analystes dressent des parallèles entre la crise actuelle et celle de 2008/2009. Bien qu’il existe certaines similitudes entre les deux, la question est de savoir si l'impact de la crise sanitaire sera aussi grave. Du point de vue de l'investisseur en dette infrastructure, les spécialistes de Schroders affichent un optimisme prudent.

Nouveaux investisseurs en dette infrastructure

Le changement le plus important depuis la crise financière de 2008 est la diversification des investisseurs. En 2008, seules les banques étaient actives sur le marché de la dette infrastructure. Mais à la suite de leur retrait, d'autres bailleurs de fonds comme les assureurs et les gestionnaires d'actifs, se sont engouffrés dans la brèche. Ces nouveaux investisseurs sont surnommés les investisseurs institutionnels de la dette infrastructure. Schroders émet un pronostic favorable concernant ces nouveaux acteurs sur le marché de la dette infrastructure. Et ce, pour les motifs suivants :

  • Le marché institutionnel emploie un grand nombre d'anciens banquiers. L'expérience acquise par ces derniers pendant la crise financière leur est bien utile.
  • Sur le marché institutionnel, les investissements sont effectués avec de l’ « argent réel », tandis que les banques dépendent de dettes à court terme provenant du marché interbancaire et des dépôts des clients. Les investisseurs institutionnels constituent donc une source de financement plus stable et moins volatile que les banques.
  • Le marché institutionnel américain est plus développé qu'en Europe. Les marchés public-privé (PP) américains se sont révélés beaucoup plus résistants que les marchés bancaires volatils. Contrairement au marché bancaire, le marché PP américain n'a jamais été fermé. Compte tenu de la quantité de fonds engagés par les investisseurs mais non investis (« dry powder ») disponible sur le marché européen de la dette infrastructure, Schroders s'attend à ce que le marché européen évolue dans le même sens.

    Les sources de financement du marché européen de la dette infrastructure sont aujourd’hui plus diversifiées et plus fiables. L'offre de financement a meilleure mine aujourd'hui qu'en 2008.

    La forme de la reprise jouera un rôle déterminant dans la manière dont les entreprises d'infrastructure surmonteront la crise

    La crise du coronavirus aura un impact énorme sur le PIB. Toute la question est de savoir combien de temps durera le confinement et comment se déroulera la reprise. Aurons-nous une reprise en forme de V ou de U ?

    Reprise en V : fournisseurs de liquidités et reports d'intérêts

    Une reprise en V se caractérise par un ralentissement économique momentané, suivi d'une reprise rapide. Les entreprises de l'infrastructure peuvent éventuellement rencontrer des problèmes de liquidités, mais sans doute pas au point de risquer la faillite. Elles disposent souvent d'un compte de réserve leur permettant de dégager des liquidités. Un exemple typique de compte de réserve est le compte de réserve pour le service de la dette (Debt Service Reserve Account - DSRA), qui permet de disposer de liquidités en suffisance pour acquitter le prochain amortissement de la dette. Ou elles bénéficient de lignes de crédit bancaire. Dans un scénario extrême, un report du paiement des intérêts pourrait aussi être envisagé, mais les emprunteurs restent solvables.

    Reprise en U : la restructuration de dette est une option (mais exige de l'expérience)

    Dans un scénario en U, la reprise prend plus de temps que dans un scénario en V. Toute la question est de savoir combien de temps elle prend. Les réserves de liquidités des entreprises ne sont pas illimitées. Dans un tel scénario, des restructurations de dette ne sont pas à exclure. La restructuration de dette vise à maximiser la reprise. La qualité principale pour ce faire est l'expérience, or Schroders n’en manque pas.