Les marchés émergents connaissent-ils un problème d'inflation ?

Dans les principaux marchés émergents (ME), l'inflation progresse. Après un plancher de 2,2 % sur base annuelle dans la première moitié de l'année, l'inflation a progressé à environ 3 % en août. Mais les spécialistes de Schroders ne se font pas trop de soucis. Une poussée inflatoire provenant du prix des denrées alimentaires et de l'énergie peut se manifester à court terme, mais la capacité disponible de nombreuses économies ME fera pression sur les principaux prix (en dehors des prix de l'alimentation et de l'énergie) et freinera l'inflation.

Pourquoi l'inflation décolle-t-elle sur les marchés émergents ?

Pour évaluer les perspectives d'inflation sur les marchés émergents, il est important de comprendre les causes de la récente hausse. Un des moyens d'y arriver consiste à scinder l'inflation en trois composantes. Les deux premières englobent l'alimentation et l'énergie, dont le poids sur l'indice des prix à la consommation est relativement lourd, et dont l'évolution des prix dépend, en grande partie, des prix mondiaux des matières premières. L'inflation sous-jacente, définie le plus souvent comme la dynamique de l'offre et de la demande intérieures, représente la troisième composante.

La récente poussée inflatoire découle, en grande partie, d’une légère augmentation du prix des denrées alimentaires et, plus récemment, d'un renversement de la profonde désinflation du secteur énergétique. Elle provient de la suppression des prix pétroliers peu élevés dans les chiffres de l'inflation. Les contrats futurs indiquent une légère augmentation des prix pétroliers. La composante énergie continuera donc à exercer une pression à la hausse sur les chiffres de l'inflation. La hausse des prix des denrées alimentaires n’est pas au programme, sauf conditions climatiques extrêmes.

Illustration : la poussée inflatoire découle des prix des denrées alimentaires et de l’énergie

Inflatiedruk energie

La capacité disponible contient l'inflation

L'inflation sous-jacente détermine la part du lion du CPI. Les perspectives dans ce domaine sont très encourageantes, pour une raison très simple : la plupart des pays émergents ont vécu de profondes récessions des suites de la pandémie. La relative faiblesse des finances publiques laisse peu de marge pour récupérer la demande perdue par d’importantes mesures de stimulation, comme dans les pays développés et en Chine. Même si la plupart des économies ont bien rebondi après l'assouplissement du confinement, il est peu probable que la croissance de la demande contenue progresse suffisamment à court terme pour permettre d'utiliser rapidement la capacité disponible créée par la récession.

Illustration : L’importante capacité disponible freine l'inflation

Inflatie niveau

Après la crise financière mondiale, la réserve disponible sur les marchés émergents a permis de maintenir l'inflation sous-jacente à un niveau relativement faible. Les goulots d'étranglement causés par le confinement dans la chaîne logistique peuvent, à court terme, perturber les prix. À première vue, il semble peu probable que l'inflation sous-jacente suive intégralement les estimations de l’écart de production, mais il y a de grandes chances qu'elle reste encore un certain temps dans une fourchette de 2 à 3 %.

Par conséquent, l'inflation sur les marchés émergents restera relativement faible au cours des prochaines années. Si l'on considère que l'histoire peut servir de modèle, les indications d'une reprise cyclique de l'économie mondiale peuvent entraîner l'augmentation des taux courts des obligations. Il semble très peu probable que, dans un futur proche, les banques centrales subissent une grande pression pour resserrer leur politique monétaire. Certains pays, comme le Mexique et la Russie, devraient finir par dégager une certaine marge pour réduire les taux, apportant un nouveau soutien aux obligations publiques en devise locale.