Prochain tour en marche arrière!

Dans ce “Commentaire de Marché”, Guido Barthels, Portfolio Manager senior, ETHENEA Independent Investors S.A., analyse les marchés obligataires.

Qui n’a jamais entendu cela dans son enfance ? Au beau milieu de la fête foraine, vous êtes assis dans la nacelle de votre choix lorsque le forain rugit : « prochain tour en marche arrière ! » Maintenant, faire marche arrière n’est pas du goût de tout le monde. Nombreux sont ceux à quitter la chenille, préférant la marche avant, plus respectueuse de leur estomac.

C’est ainsi que l’on pourrait décrire la situation actuelle sur les marchés obligataires des deux côtés de l’Atlantique. Le marché des bons du Trésor américain lorgne vers la hausse des rendements depuis un certain temps. Après que les taux courts ont quitté leur traditionnelle fourchette de fluctuation par le haut, il n’a pas fallu longtemps au segment 10 ans, objet de toutes les attentions, pour s’extraire de sa fourchette comprise entre 2,10 et 2,60 %. Le rendement de l'obligation de référence a effectivement atteint 2,88 % en début de mois. Combinées à certains facteurs techniques, les préoccupations des investisseurs en actions face à la hausse des taux se sont traduites par une correction sensible des marchés boursiers mondiaux.

En parallèle, les achats de valeurs dites « refuge » ont provisoirement fait redescendre le rendement des Treasuries à 2,7 %. Selon nous, la situation actuelle n’est que temporaire et joue un rôle d’assainissement du marché, semblable à un orage d’été qui chasse l’air moite. Par conséquent, nous pensons que l'environnement reste favorable aux actifs risqués pour les raisons que nous invoquons plus bas.

Plusieurs facteurs fondamentaux plaident en faveur de la hausse des rendements aux ÉtatsUnis. En tout premier lieu, citons la croissance soutenue, couplée à la crainte que l’inflation ne fasse son retour plus rapidement que prévu. Le déflateur du PIB, autrement dit le taux d’inflation qui sert à corriger les données du PIB et qui est très suivi par la Réserve fédérale américaine, s’établissait tout de même dernièrement à 2,4 %, tendance à la hausse. Dans le cadre de son approche macro-économique, le FOMC pourrait tout à fait y voir la nécessité de relever les taux non pas à trois, mais peut-être à quatre reprises, voire plus.

En outre, les facteurs techniques soutiennent une hausse des rendements américains, notamment le bilan de la Réserve fédérale, qui comptabilise tout de même 2500 milliards de dollars de Bons du Trésor. Janet Yellen, ex-présidente de la Fed, vise un retour à la normalité. Alors que l’an dernier, les mesures prises étaient encore très timides, le rythme des ventes devrait progressivement être relevé à 30 milliards de dollars par mois, soit près de 0,2 % des bons du Trésor en circulation et ce, par mois.

De même, les quelque 20 milliards de dollars vendus par la Chine et le Japon en novembre dernier laissent supposer que les grandes quantités de capitaux qui avaient provisoirement été stockées en USD pendant la crise de l’euro en 2012 ont été converties en avoirs libellés en EUR. En tout, la Chine et le Japon détiennent chacun environ 1100 milliards de dollars en bons du Trésor américain. Des munitions suffisamment importantes pour ne pas passer inaperçues.

Enfin, n’oublions pas l’administration Trump. Les entreprises américaines détiennent près de 1 000 milliards de dollars en bénéfices non imposés à l’étranger susceptibles d’être rapatriés par l’administration Trump sous couvert d’avantages fiscaux. Mais même avec de faibles taux d’imposition, 150 milliards de dollars de dettes fiscales devraient surgir, argent qui avait été investi en bons du Trésor et obligations d’entreprises jusqu’à présent. Compte tenu de la liquidité accrue des emprunts d'État, on peut supposer que toute une série de titres trouveront sans peine de nouveaux acquéreurs. En outre, le Président Donald Trump a lancé la « plus grande réforme fiscale de tous les temps »¹. Mais il s’avère qu’elle porte essentiellement sur des baisses d’impôts non financées qui ne feront donc qu’alimenter l’endettement des États-Unis. Et la question de savoir si l’augmentation de l’activité économique se traduira par des recettes fiscales supplémentaires relève davantage de la théorie que de la science. Il s’agit plus d'une affaire de croyance. D'une manière ou d'une autre, nous sommes face à un autre facteur technique négatif. Prochain tour en marche arrière !

Naturellement, la hausse des rendements en dollar n’est pas sans conséquence sur la zone euro. D'un point de vue fondamental, les signes favorables à une hausse des rendements ne manquent pas non plus dans la région. Mais dans la mesure où ils continuent de soutenir le marché obligataire, les facteurs techniques pourraient contrecarrer toute hausse durable des rendements avant la fin du programme de rachat de la BCE prévue en octobre. Toutefois, le rendement du Bund allemand à 5 ans vient de casser le plafond de verre et de remonter audessus de zéro pour la première fois depuis plus de deux ans. Tout n’est pas perdu.

Même si la tortue Günther Schild, mascotte publicitaire du Trésor fédéral allemand, est morte depuis plus de 5 ans, le taux d’intérêt renaît de ses cendres ! Ce n’est qu’une question de temps avant que l’ensemble de la courbe des taux allemande ne repasse au-dessus de zéro et que les 5 dernières années entrent dans les annales comme un chapitre à retenir de l’histoire financière, une période où le 0 n’était qu'un chiffre comme un autre. Prochain tour en marche arrière !

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