Le momentum économique va-t-il se poursuivre en Europe?

L’Europe saura-t-elle conserver le momentum? Et dans quelle mesure le resserrement de la politique monétaire va-t-il affecter le marché des placements? Ces questions ont fait l’objet d’un débat entre Johanna Kyrklund (Responsable mondiale des investissements multi-actifs), Martin Skanberg et James Sym (gestionnaires de fonds Actions européennes chez Schroders ) lors de la Conférence 2018 sur l’investissement de Schroders .

La BCE est le principal risque

Les participants au séminaire ont été questionnés sur l’élément qu’ils considèrent comme le principal facteur de risque pour les marchés européens en 2018. L’élément le plus fréquemment cité est le resserrement éventuel de la politique monétaire (dans la zone euro ou en dehors de celle-ci). Arrivent ensuite les risques politiques et le cours de l’euro. Ils ont aussi été invités à dire quelle catégorie de placement emporte leur préférence. Plus de la moitié des personnes présentes se sont prononcées en faveur des actions européennes. Les participants s’inscrivent dans une logique haussière, considérant la récente volatilité sur les marchés plutôt comme une opportunité d’achat que comme le début d’une tendance baissière.

La croissance, une fusée à deux étages

Pour les spécialistes de Schroders , Johanna Kyrklund, Martin Skanberg en James Sym, les indicateurs économiques pour l’Europe sont positifs. Johanna Kyrklund rappelle cependant que si la crise européenne de la dette est en veilleuse, elle n’est pas encore finie pour autant. Les spreads obligataires sont minimes à cause de la politique monétaire menée, mais ils finiront par réapparaître à un moment donné. Martin Skanberg pense que la phase d’expansion va se poursuivre en Europe. Il explique cela par la volonté des entreprises d’investir alors que cette volonté faisait largement défaut durant la phase de reprise. James Sym émet toutefois un petit bémol: lorsque les investissements augmentent, les coûts suivent le mouvement et les marges bénéficiaires sont alors mises sous pression. Une hausse de l’inflation n’a pas que des désavantages au début, mais une fois que les taux d’intérêt repartent à la hausse pour contrer les effets de l’inflation, cela peut provoquer une nouvelle récession. C’est le propre des cycles. James Sym rappelle aussi que l’Europe est un important exportateur net et que la consommation intérieure est toujours à la traîne. Si cette consommation intérieure décolle, elle pourrait devenir le prochain moteur de la croissance économique en Europe.

Les actions européennes sont peu chères

Bien que les cours des actions européennes se soient améliorés, les spécialistes de Schroders estiment que les actions européennes restent relativement peu chères par rapport à celles des autres régions. Le ratio cours-bénéfice corrigé des variations cycliques est toujours inférieur à la moyenne pluriannuelle, précise Martin Skanberg. Johanna Kyrklund trouve les actions attrayantes par rapport aux obligations d’État qu’elle juge coûteuses. Mais le prix des obligations d’État est finalement en passe d’être revu et cette révision pourrait mettre sous pression les valorisations des actions, ce qui n’est pas un mauvais signe en soi. Cela signifie en tout cas que le cycle est intact et que l’Europe ne va pas au-devant d'un effondrement à la japonaise.

Elle donne trois conseils aux investisseurs pour cette année:

  • Ne soyez pas trop gourmands.
  • Diversifiez suffisamment vos placements.
  • Tenez compte de circonstances plus difficiles dans les deux ou trois années à venir.

    En quoi le démantèlement de l’assouplissement quantitatif va-t-il affecter les marchés européens?

    Johanna Kyrklund ne pense pas que la BCE va resserrer sa politique monétaire de manière agressive. Elle table plutôt sur un démantèlement progressif. Le retour à des taux d’intérêt positifs affectera les actions de croissance. C’est la raison pour laquelle Johanna Kyrklund incite les investisseurs à ne pas se montrer trop gourmands. Les actions de croissance ont eu d’excellents rendements, mais il ne faut plus espérer atteindre de tels niveaux.

    Y a-t-il un risque de guerre des devises?

    La crainte du protectionnisme américain s’est avérée infondée jusqu’à ce jour, mais la relative faiblesse du billet vert a suscité des préoccupations au sujet des perspectives pour les exportateurs européens, surtout si la croissance ralentit ailleurs dans le monde. D’après Johanna Kyrklund, la croissance économique a été faible pendant plusieurs années consécutives et ce sont les pays avec la monnaie la plus faible qui se sont taillé la plus grande part du gâteau. Cela n’est plus le cas depuis la reprise mondiale synchronisée. Pour Johanna Kyrklund, la BCE n’a aucune raison d’essayer d’infléchir le cours de l’euro.

    Conseils et opportunités

    Interrogé à propos des secteurs ou catégories susceptibles de donner des bons rendements dans les années à venir selon les membres du panel, Martin Skanberg pointe le secteur des matériaux, notamment la chimie ainsi que le papier et les matériaux d’emballage. Il prévoit que les producteurs chinois vont être confrontés à des hausses de coûts liées au renforcement de la législation environnementale. Johanna Kyrklund fonde de grands espoirs sur les actions des marchés émergents. Ces marchés se distinguent apparemment par leurs meilleures valorisations et un risque politique moindre que du côté des marchés développés. James Sym considère que les taux bas que nous connaissons actuellement sont intenables. Les taux d’intérêt doivent remonter pour faire baisser le prix des maisons. Voilà pourquoi il privilégie plutôt les actions de valeur dans le secteur de la consommation. Il privilégie aussi les liquidités, car il a la conviction qu’un changement sur le marché peut offrir des opportunités nouvelles de déployer des capitaux.