Quel avenir pour les petites capitalisations américaines ?

Nous avons constaté une oscillation effrénée des performances du marché au cours des six derniers mois. Chuck Royce et Francis Gannon, respectivement Président et Chief Investment Officer adjoint chez Royce & Associates (une filiale de Legg Mason), discutent des perspectives pour les investisseurs dans les petites capitalisations américaines.

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Chuck Royce

« Le rebond du premier trimestre est une réponse à ce qui a constitué un début de correction normale en septembre », affirme Chuck Royce. « En décembre, cependant, cela a davantage pris la forme d'une réaction excessive hystérique. Cette espèce de liquidation généralisée se produit généralement en réponse à un développement indéniablement négatif, qui pénalise déjà l'économie ou les marchés, ou les entravera très vraisemblablement. Les investisseurs semblaient convaincus en décembre que l'économie et les marchés traversaient une situation bien pire qu'elle ne l'était effectivement. Au même moment, nous avons en fait observé une déconnexion concomitante entre les fondamentaux des entreprises, tels que l'état généralement solide des recettes et des flux de trésorerie, et le sentiment du marché. »

Plutôt que d'observer la réalité de ce que les sociétés accomplissaient et rapportaient, les investisseurs ont agi comme si nous étions sur le point de basculer tout droit dans la récession, en s'appuyant sur des données économiques moins fiables. Alors, après que les petites capitalisations ont touché le fond à la veille de Noël, le mal semblait passé. Le sentiment a changé radicalement, et très rapidement. La reprise des marchés a été tout aussi rapide, et assez robuste pour faire du 1er trimestre le vingt-troisième meilleur sur 161 trimestres depuis la création du Russell 2000. Francis Gannon : « Il est rare de récolter toute la valeur d'une bonne année de performances en un seul trimestre ; et quand cela arrive néanmoins, c'est généralement à la suite d'un déclin profond du type de celui que nous avons connu fin 2018. »

Une sous-performance surprenante

Les perspectives de Royce concernant la volatilité supérieure et un rendement global inférieur des petites capitalisations sont inchangées. Francis Gannon : « Si nous considérons uniquement le 1er trimestre 2019, les rendements ont été élevés et la volatilité faible. Cependant, les six derniers mois ont été très volatiles pour les actions à faible capitalisation et le rendement sur cette même période a été négatif, avec une baisse de 8,6 % des petites capitalisations entre le 30 septembre 2018 et le 31 mars 2019. Le rendement sur un an depuis fin mars pour le Russell 2000 a aussi été assez bas, cet indice ayant gagné seulement 2,0 %. Nous pensons important que les investisseurs ne se laissent pas trop emporter par le rebond opportun du dernier trimestre. Je dirais que la possibilité est assez forte de voir les gains se consolider au cours des mois à venir compte tenu de la puissance de ce rebond. » La sous-performance de la valeur des petites capitalisations ces cinq derniers mois est l'un des aspects les plus surprenants et décevants de ces dernières années. Au moins deux facteurs inhabituels sont entrés en jeu. Premièrement, les taux obligataires sont restés inférieurs plus de temps que de nombreux investisseurs ne l'avaient prévu. Deuxièmement, les cinq dernières années de croissance économique aux États-Unis ont été très compartimentées. Chuck Royce : « La plupart des secteurs s'en sont bien sortis et certains, moins nombreux, s'en sont très bien sortis. Il se trouve que les segments qui ont été les plus performants, à savoir les soins de santé et les technologies de l'information, sont sous-représentés dans les indices de valeurs et la plupart des portefeuilles. »

L'économie des États-Unis reste fondamentalement saine, avec certaines réserves évidentes en matière de commerce et de tarifs douaniers. Frank Gannon : « L'économie mondiale dans son ensemble reste préoccupante, bien sûr, mais les résultats de l'ISM (Institute for Supply Management) aux États-Unis et en Chine sont meilleurs qu'escompté en mars, donc selon nous, la récession reste plus loin que d'aucuns sont très nombreux à le penser. »

Pas de signes de récession

Chuck Royce : « Je vois plusieurs facteurs contraires au climat actuel qui continueront à favoriser les valeurs de croissance : les écarts des crédits contractés au premier trimestre, l'augmentation du prix de nombreuses matières premières, notamment le pétrole et le cuivre, et le logement qui a commencé à rebondir en mars. Habituellement, nous ne nous attendrions pas à voir ces événements coïncider avec une contraction de la croissance économique dans un environnement plus propice aux valeurs de croissance. Tout aussi importants voire plus à nos yeux, les signaux du marché contraires à l'idée selon laquelle l'inversion des courbes de rendement tendait inexorablement vers la récession. Plusieurs segments économiquement sensibles, tels que le transport routier et ferroviaire, les semi-conducteurs et équipements semi-conducteurs, la chimie, et l'équipement, les instruments et les composants électroniques, ont largement surpassé le Russell 2000 au 1er trimestre 2019. Le marché comme l'économie nous envoient donc des signes qui suggèrent une bonne santé, ce qui serait bon pour les titres cycliques. »

Francisgannon
Francis Gannon

Malgré l'impressionnant 1er trimestre 2019, Royce & Associates a identifié des opportunités. Frank Gannon : « C'est intéressant ; la hausse a été large parce que les 11 secteurs du Russell 2000 ont tous contribué positivement à la performance. Cependant, seulement 77 % des sociétés de l'indice ont connu une augmentation. Les 23 % restants, soit plus de 400 sociétés aux rendements négatifs ou nuls, sont une opportunité qui nous est posée parce que le marché a exprimé de très modestes attentes pour ces sociétés, ce qui a rendu certaines valorisations dans ce groupe très attractives pour nous. »

Un optimisme sélectif

Chuck Royce : « Nous recherchons les activités pour lesquelles le pessimisme nous semble remis en question ou excessif compte tenu des points forts déterminants que nous identifions, tels qu'un bilan capitalisé avec prudence, de hauts rendements du capital investi, des flux de trésorerie solides et un potentiel de croissance à long terme. Au sein de toutes nos stratégies, cela nous a conduits dans plusieurs segments, notamment les industries tournées vers l'innovation, le logement, les semi-conducteurs et l'équipement semi-conducteur, le camionnage, et les domaines moins spéculatifs que sont les soins de santé, pour n'en citer que quelques-uns.

Royce & Associates est confiant au sujet des perspectives à long terme pour ses titres cycliques. Il anticipe une prospérité pérenne des segments cycliques économiquement sensibles dans une économie américaine encore en croissance, même dans laquelle le rythme a quelque peu ralenti. La reprise économique chinoise devrait également aider une grande partie de ces segments cycliques. Frank Gannon : « De plus, bon nombre de ces entreprises nous semblent très raisonnablement cotées au regard de leur valeur d'entreprise / EBIT. Les petites capitalisations cycliques s'échangent 10 % moins cher par rapport aux titres du Russell 2000 (également mesurés en termes de valeur d'entreprise / EBIT), leur cours le plus faible depuis 20 ans. Nous continuons donc à rechercher des opportunités sur un marché qui, malgré le fort premier trimestre, demeure encore incertain quant à la possibilité d'une nouvelle accélération économique, même si les banques centrales des pays développés semblent prêtes à employer tous les outils monétaires dont elles disposent pour soutenir ou relancer la croissance mondiale. Nous sommes très à l'aise avec les valorisations des sociétés que nous privilégions. Nous sommes également satisfaits du contraste entre notre optimisme sélectif pour le long terme et la confiance plus faible dans l'économie que nous percevons chez d'autres investisseurs. »