Une reprise en béton?

Chris Youl, Global Industrials Analyst, M&G

Chrisyoul
Chris Youl

Après avoir été dans le marasme depuis la crise financière, le secteur de la construction résidentielle européen témoigne désormais de timides signes de reprise. Les statistiques en provenance du secteur sont encourageantes et, sur la base de nos analyses et discussions avec les entreprises, nous sommes de plus en plus convaincus que le potentiel de croissance des bénéfices au sein du secteur n’est pas reflété dans les valorisations actuelles.

Les constructions de logements neufs en Europe occidentale s’établissent désormais à 45 % en-deçà de leur pic de 2006 et à 35 % en-dessous de leurs niveaux de 2002. Certains grands pays tels que la France, l’Italie et l'Espagne se situent même à 40 %, 70 % et 90 % en-deçà de leurs niveaux culminants. En dépit d’une stabilisation et d’une amélioration en Allemagne et au Royaume-Uni, la construction totale a continué d’être orientée à la baisse.

Ces niveaux particulièrement bas atteints, le réseau de prévisions de la construction, Euroconstruct, anticipe désormais une croissance de la construction résidentielle en Europe occidentale de 3,2 % en 2016 et de 2,3 % en 2017. Sur le front des logements neufs, la construction devrait croître de 6,2 % en 2016, son rythme le plus rapide depuis 1992, avant de ralentir à +4,0 % en 2017. La construction dans le segment « rénovations, maintenance et améliorations » est attendue en hausse de 1,2 % en 2016 et de 1,1 % en 2017, des chiffres conformes à sa moyenne à long terme.

Constructioneuropeene

Toutefois, toute reprise est peu susceptible de suivre la même trajectoire dans l’ensemble des pays. A en juger par les deux dernières décennies, il apparaît clairement que la divergence régionale des marchés de la construction résidentielle en Europe est une tendance courante. Le graphique ci-après illustre l’extraordinaire croissance et effondrement ultérieur de la construction résidentielle en Europe du Sud. Si un retour de telles fluctuations extrêmes est peu probable à moyen terme, 2016 devrait témoigner d’une croissance dans tous les principaux pays, ainsi que d’une stabilisation en Italie. Il s’agit là d’une situation quasiment sans précédent et qui n’a plus été observée depuis le précédent pic au milieu des années 2000.

Constructionsecteur

Le Royaume-Uni et l’Allemagne sont aux avant-postes de la reprise jusqu’à présent. Le marché immobilier résidentiel britannique a été l’un des plus vigoureux en Europe, surtout depuis 2013 et l’adoption du plan d’aide du gouvernement destiné à soutenir l’achat de biens immobiliers (« Help to Buy equity loan »). Quant à l’Allemagne, les indicateurs macroéconomiques laissent entrevoir une poursuite de l’embellie du secteur. En France, la reprise est encore balbutiante mais gagne en vigueur, à la faveur de programmes incitatifs tels que le prêt à taux zéro pour les primo-accédants et la loi Pinel sur l’investissement locatif.

Plusieurs indicateurs économiques avancés, dont la confiance des constructeurs, les carnets de commande et la demande de crédits immobiliers, laissent tous entrevoir une modeste expansion de l’activité immobilière résidentielle dans le pays. En Europe du Sud, la construction résidentielle commence à se redresser, mais tout en partant de très bas dans de nombreux pays, tandis que les principaux pays nordiques et le Benelux devraient poursuivre sur la voie d’une croissance solide après être eux aussi tombés à de bas niveaux.

Elément important, en Europe occidentale (en dehors de l’Allemagne et du Royaume-Uni), les logements neufs en pourcentage de la population et en pourcentage des logements existants demeurent proches de leurs plus bas niveaux en 20 ans, mettant ainsi en évidence les besoins en investissement.

Si la reprise de la construction résidentielle s’inscrit dans la durée en Europe, ces marchés pourraient alors enregistrer un taux de croissance annuel moyen de plus de 10 %, plutôt que les 3 % prévus... un chiffre pour le moins attractif dans un monde à la croissance en berne. L’indice Eurostoxx Bâtiments et matériaux s’établit à un ratio cours/bénéfice prévisionnel sur 12 mois de 16,5. S’il n’est pas bon marché en valeur absolue, il se situe toutefois à un niveau conforme à sa prime moyenne historique de 5 % par rapport au marché, mais qui semble inadapté à ce stade du cycle au regard de l’importance du potentiel de reprise.

Dans la mesure où les principaux marchés finaux se redressent par rapport aux bas niveaux atteints et où les marges sont déprimées, une croissance des bénéfices de plus de 10 % devrait être aisément réalisable par les entreprises fortement exposées à la construction en Europe, ce que ne mettent pas en évidence les valorisations actuelles. Nous identifions toute une série d’opportunités d’investissement, tant parmi les entreprises traditionnelles que les spécialistes des équipements électriques et des systèmes de contrôle des bâtiments.