Les élections espagnoles et leur impact sur le marché obligataire

Nicolas Forest, Global Head of Fixed Income Management, Candriam

Nicolasforest
Nicolas Forest

Si le référendum sur le Brexit sera clairement le facteur déterminant pour les marchés périphériques au cours des prochaines semaines, les élections espagnoles seront un autre facteur important, notamment en Espagne. Plusieurs scénarios sont possibles à l’issue des élections du 26 juin, chacun ayant des conséquences différentes sur le marché. En Espagne, le risque d’impasse politique à l’issue des élections est élevé, les sondages préliminaires indiquant des résultats similaires à ceux des élections de décembre 2015.

L’accord électoral conclu récemment entre Podemos et la Gauche Unie devrait en outre affaiblir le PSOE. Le risque d’un résultat non concluant aux élections est réel , amenant à nouveau de l’incertitude politique qui mettra les rendements espagnols sous pression. La formation d’un gouvernement au programme radical, prévoyant de faire machine arrière sur les réformes structurelles, provoquerait aussi une réaction négative importante de la part du marché.

Inversement, un scénario dans lequel une majorité nette se dégagerait, dont le programme ne consiste pas à faire machine arrière sur les réformes structurelles engagées, soutiendrait fortement les spreads des emprunts d’État espagnols. L’Espagne a déjà fait des efforts budgétaires et économiques conséquents ; un gouvernement qui poursuivrait dans cette voie serait vu d’un bon oeil par les marchés. Jusqu’à présent, l’absence de gouvernement a eu un impact négatif limité sur les marchés grâce au programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, lequel devrait pouvoir contenir toute fluctuation majeure des rendements des obligations d’État. Toutefois, le risque politique à moyen terme prendra une place de plus en plus importante sur les marchés obligataires, et notamment lorsque la BCE commencera à esquisser une stratégie de réduction du programme de rachat.

Le scénario du pire

Le scénario qui génèrerait la plus forte pression sur les rendements espagnols est celui de la formation d’un gouvernement au programme radical prévoyant de faire machine arrière sur les réformes structurelles. Les marchés financiers préféreraient nettement un scénario limitant le risque de nouveau dérapage budgétaire et celui de voir le gouvernement espagnol démanteler une partie des réformes structurelles (réformes du marché du travail) décidées ces dernières années.

Un scénario d’impasse politique provoquerait également une réaction négative du marché. Néanmoins, une impasse politique inciterait les principaux partis à former un gouvernement, ou à ne pas voter contre le gouvernement formé (même s’il est de minorité), les grands partis n’ayant aucun intérêt politique à participer à une troisième élection. Une issue négative des élections, associée à un scénario de Brexit au Royaume-Uni, renforcerait la nervosité à l’égard des actifs espagnols.

Faut-il acheter ou vendre de la dette espagnole ?

Depuis février, nous avons commencé à adopter une approche plus prudente sur les marchés souverains périphériques dans leur ensemble. Aussi sommes-nous positionnés de manière plus défensive vis-à-vis de l’Espagne : nous estimons que le référendum sur le Brexit et les élections espagnoles pourraient générer de la volatilité et accroître la pression sur les obligations souveraines espagnoles à court terme, ces deux événements étant très incertains.

Une hausse des rendements espagnols, en amont ou à l’issue de ces événements, pourrait nous inciter à accroître notre exposition, mais cela dépendra de l’issue de ces événements politiques. En cas de Brexit, par exemple, les investisseurs adopteraient dans l’ensemble une approche plus prudente envers les pays périphériques, tandis que les investisseurs étrangers pourraient hésiter à investir dans la dette souveraine périphérique libellée en euros. Cela pèserait fortement sur les rendements espagnols. Dans un tel contexte, la réaction de la BCE sera déterminante pour la réévaluation de notre position.

À court terme, le résultat des élections en Espagne dictera clairement la volatilité des spreads espagnols. Le programme d’assouplissement quantitatif continuera néanmoins d’offrir une protection qui limitera le risque d’écartement. À moyen terme cependant, cette protection ne suffira pas si l’Espagne ne continue pas à résoudre ses difficultés structurelles : chômage élevé, notamment chez les jeunes, et déficit budgétaire important. Nous ne sommes pas sûrs en effet que l’Espagne résistera à une période d’incertitude politique prolongée, a fortiori si cette dernière coïncide avec une diminution des mesures de soutien de la BCE en 2017.