Ralentissement au Japon et en Chine

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Yves Longchamp

Les signes d’un ralentissement au Japon et en Chine se sont multipliés, mais aucun d’entre eux n’a été suffisamment dramatique, et les risques baissiers perçus se sont éloignés, comme en témoigne l’absence de nouvelles tragiques sur les fronts économique et financier.

Japon : cycle économique fort terne

Au deuxième trimestre 2016, l’économie japonaise a affiché une croissance nulle. Si certains artefacts statistiques ont pesé sur le chiffre de croissance, d’autres indicateurs ont également confirmé l’activité anémique au deuxième trimestre. En dépit d’un marché de l’emploi de plus en plus étroit et d’une certaine hausse des salaires, les consommateurs restent timides. En outre, les sociétés sont de moins en moins disposées à investir dans la mesure où leurs bénéfices pâtissent de l’appréciation du yen. La demande extérieure est de ce fait le seul moteur d’un nouveau cycle économique. L’activité mondiale demeure toutefois modeste et la production industrielle, tout comme les exportations, continue de fluctuer de façon indécise.

L’inflation a nettement marqué le pas au deuxième trimestre. La Banque du Japon ne peut l’ignorer. Fait intéressant : plutôt que de continuer à assouplir sa politique monétaire déjà très accommodante, la Banque du Japon a annoncé qu’elle publierait, en septembre, une évaluation globale de sa politique monétaire. La politique de taux d’intérêt négatifs n’a pas changé l’empressement des Japonais à épargner. Ceux-ci demeurent des épargnants, la consommation n’a pas grimpé en flèche et les taux d’intérêt négatifs n’ont pas non plus eu d’impact favorable sur le taux de change. L’ effet de la politique de taux d’intérêt négatifs sur l’inflation est dès lors nul depuis son lancement. La Banque du Japon ne cesse toutefois de répéter que cette politique a fait grimper les mises en chantier de maisons individuelles. La banque centrale a par ailleurs abaissé le niveau de ses achats d’actifs. Cependant, le cycle économique restera probablement fort terne, l’économie japonaise manquant de catalyseurs de croissance.

Chine : déséquilibre

La croissance économique a bien résisté en Chine au deuxième trimestre, s’inscrivant à 6,7 % en glissement annuel, soit un niveau supérieur aux attentes du marché. Le marché immobilier, soutenu par la vigueur des crédits des ménages, est resté le moteur de la croissance. Si les nouveaux financements au deuxième trimestre ont été supérieurs à ceux du premier trimestre, c’est en raison de l’émission d’obligations gouvernementales locales, qui a pratiquement doublé les prêts bancaires. Si les investissements dans les infrastructures se sont accélérés à la suite de la hausse des fonds fiscaux, le total des investissements en immobilisations a une nouvelle fois perdu de la vitesse au deuxième trimestre.

Ce phénomène s’explique par l’évolution des investissements immobiliers, qui ont ralenti parallèlement à la décélération des prix immobiliers. Le ralentissement des investissements dans la construction indique que le cycle immobilier a atteint son sommet au deuxième trimestre. Les ventes et les prix vont encore décélérer au second semestre dans la mesure où les gouvernements locaux vont renforcer les réglementations afin d’apaiser un marché en surchauffe.

Outre la solide croissance du crédit, l’activité manufacturière a également réservé une bonne surprise. Celle-ci a été soutenue par la reprise des prix des matières premières, qui pourrait toutefois être de courte durée dans la mesure où la situation concernant la demande mondiale ne s’est pas améliorée et où les réductions de surcapacités n’ont pas encore décollé.

Une croissance stable au deuxième trimestre et une stabilisation des flux de change sortants en dépit de l’affaiblissement constant du taux de change ont ouvert fenêtre d’opportunités au gouvernement afin de s’engager sur la voie des réformes plutôt que sur celle des mesures incitatives. Le deuxième trimestre a été marqué par l’annonce de réglementations dans le secteur financier et par l’accent placé sur les réformes. Un processus de réforme passant par une réduction de la surcapacité, côté offre, ferait baisser la production industrielle, conduisant à des licenciements et, à terme, à un ralentissement de la consommation. Par conséquent, les gouvernements locaux se sont jusque là montrés peu enclins à prendre des mesures concrètes à la suite de ces annonces. Une diminution de l’endettement ne figure pour l’heure pas non plus à l’ordre du jour, dès lors que le Congrès national du peuple a fixé l’objectif annuel de croissance du crédit à 13 %, soit le double du PIB visé. Si le deuxième trimestre a procuré une bouffée d’oxygène, dans un contexte de déclin de la croissance tendancielle depuis l’éclatement de la crise financière mondiale, la menace d’un nouveau ralentissement plane sur le second semestre de 2016 en raison du changement dans le cycle de l’immobilier.

Le gouvernement devrait se recentrer sur des mesures de soutien de la croissance, probablement par le biais de nouveaux investissements dans les infrastructures, mais aussi davantage de crédit, afin d’atteindre son objectif de croissance annuel. Cela ne fera qu’aggraver l’état d’endettement et l’instabilité au sein du système financier chinois. Si les marchés ont semblé porter moins d’attention à la Chine ces derniers temps, nous continuons à considérer le déséquilibre de l’économie comme un risque majeur pour notre scénario.

Dans le “Commentaire de Marché” mensuel d’ETHENEA, la Gestion de Portefeuille et son équipe discutent la situation actuelle du marché. Dans cet article, Yves Longchamp, Head of Research chez ETHENEA Independent Investors (Schweiz) AG, analyse l’économie japonaise et chinoise