Nouveau régime obligataire

Nicolas Forest, Global Head of Fixed Income, Candriam Investors Group

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Nicolas Forest

Le rally obligataire touche-t-il à sa fin?

Au cours des 10 dernières années, les rendements obligataires ont régulièrement baissé et 2016 n’a pas fait exception à la règle. Des politiques monétaires ultra-accommodantes se sont combinées à un ralentissement de la croissance pour faire tomber les rendements à leurs plus bas niveaux historiques dans les quatre grandes régions du monde. Depuis les élections américaines toutefois, une tendance marquée par une remontée des rendements, une pentification des courbes des taux et un élargissement des spreads de crédit incite à se demander si ce long rally n’arrive pas à son terme. Le rendement des Bons du Trésor à 10 ans a progressé de 1,80 % à 2,30 % et celui des Bunds se situe désormais au-dessus de 0,20 %, contre -0,15 % en septembre.

La question est sur toutes les lèvres : « Le rally obligataire touche-t-il à sa fin ? ». Sur les 25 dernières années, les marchés obligataires américains n’ont perdu du terrain que lorsque l’inflation progressait et/ou en cas de resserrement de la politique monétaire. Par conséquent, le durcissement de la politique monétaire et la hausse des taux d’inflation se traduiront-ils par un changement de régime pour les marchés obligataires en 2017?

D’une politique d’assouplissement monétaire à bout de souffle à une expansion budgétaire

Les politiques monétaires non conventionnelles ayant été poussées à leurs limites, leurs effets indésirables ont commencé à prendre le pas sur leurs effets bénéfiques. Si ces politiques ont aidé à contenir certains événements majeurs, comme la débâcle de la crise des subprimes, la crise de la dette souveraine de la zone euro, le Brexit, etc. elles ont en revanche limité la capacité des banques à générer des bénéfices et n’ont pas réussi à ramener l’inflation et la croissance à leurs niveaux d’avant la crise. Aujourd’hui, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis semblent emprunter la voie de l’expansion budgétaire pour redynamiser leur croissance intérieure.

D’une longue période de déflation à une relance soutenue

Au cours des cinq dernières années, le bas niveau des rendements a régi les stratégies d’investissement dans une conjoncture marquée par la faiblesse de l’inflation. La stagnation déflationniste qui a pénalisé le Japon durant des années a incité certains investisseurs à penser qu’elle pourrait se propager aux autres économies développées. Cependant, les pressions salariales et la hausse des frais de santé constituent d’excellents exemples de dynamiques inflationnistes intérieures outre-Atlantique et outre-Manche. Si l’on ajoute à cela le rebond des prix du pétrole combiné à une nouvelle tendance au protectionnisme, les ingrédients sont réunis pour favoriser une remontée des rendements.

Dans ce contexte, nous considérons que le cycle de durcissement de la Fed a débuté et sera marqué par au moins trois relèvements des taux dans les 12 prochains mois, et que la BCE envisage une réduction progressive de sa politique pour le second semestre 2017.

Prêt pour un nouveau régime obligataire, où différenciation et sélectivité seront nécessaires

Un durcissement de la politique monétaire associé à une reprise de l’inflation propulsera les marchés obligataires dans un nouveau régime. Un regain de volatilité est à prévoir. Mais alors que ce nouveau modèle entraînera des dislocations, il créera aussi des opportunités au sein des marchés obligataires, ce qui nécessitera flexibilité et sélectivité. Des opportunités sont toujours présentes dans un univers de plus en plus fragmenté et notre objectif est de les exploiter en privilégiant le carry-to-risk et une corrélation faible avec les Bons du Trésor américain.

Les marchés obligataires externes et locaux des pays émergents continueront d’offrir d’importantes opportunités de carry, même si les facteurs de sélectivité et de valeur relative restent essentiels. Des secteurs spécifiques comme celui des sociétés financières européennes présentent également un profil intéressant, profitant de fondamentaux solides et d’une réglementation favorable aux détenteurs obligataires. Enfin, les obligations indexées sur l’inflation constituent une offre séduisante dans un contexte de relance et devraient représenter un pilier majeur de l’ensemble des portefeuilles obligataires.