Vers une fin possible de l’environnement de faibles taux et faible inflation

Par Nadège Dufossé – Responsable de l’allocation d’actifs

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Nadège Dufossé

L’année 2017 devrait nous mener vers la fin de l’environnement de faibles taux et faible inflation qui prévaut aux Etats-Unis depuis la fin de la grande récession et nous nous attendons à une augmentation de la volatilité des marchés. Nous reconnaissons que l’éventail des scénarios possibles est inhabituellement large, comprenant des risques à la baisse comme à la hausse par rapport à notre scénario de base.

Estimant que la croissance mondiale devrait rester positive, avec des tensions inflationnistes croissantes tout au long de l’année, Candriam surpondère les actions par rapport aux obligations. Nous anticipons un changement de régime aux Etats-Unis qui se répercutera sur les marchés financiers. De plus, nous identifions cinq défis pour la gestion d’actifs pour 2017 : hausse des taux monétaires et obligataires, risque d’erreur de politique, dissociation des banques centrales, le cours des marchés émergents reflétant des risques en hausse et incertitudes politiques en Europe.

Changement de régime aux États-Unis

L’élection de Donald Trump en tant que 45ème président des Etats-Unis et la majorité républicaine dans les deux chambres représentent un changement de régime aux États-Unis. Il convient de noter que l’alignement politique entre le président et le Congrès constitue l’exception plutôt que la règle, cette situation ne s’étant produite que pendant 18 ans sur les cinquante dernières années.

Depuis 1965, le déficit budgétaire américain a augmenté en moyenne de près de 0,5 points de PIB par an lorsque le pouvoir législatif et présidentiel étaient du même bord contre un resserrement budgétaire moyen de presque 0,2 points de PIB par an lorsque le Congrès était divisé.

À la suite des élections américaines, la probabilité d’une augmentation des dépenses publiques a fortement augmenté en raison du programme de Donald Trump. Bien que le détail et l’ampleur de ces mesures de relance restent à préciser, la perspective d’une dose de « reflation » aux Etats-Unis apaise aujourd’hui les inquiétudes de fin de cycle chez les professionnels des marchés. Candriam s’attend à un renforcement de la croissance américaine sur les prochains mois. Les actions devraient surperformer grâce à la croissance des bénéfices des entreprises, à l’amélioration des indicateurs de confiance et à la stabilité des coefficients de capitalisation, ce qui nous incite à acheter les actions américaines. Nous renforçons également les actions japonaises, qui devraient bénéficier de perspectives américaines plus favorables tout en constituant une couverture en cas d’appréciation plus importante que prévu du dollar américain.

Figure 1 : croissance des bénéfices US stimulée par la réduction des impôts, les rachats d’actions et l’augmentation des revenus nominaux

Candriam

Dans le même temps, ce changement de régime se traduira probablement aussi par une remontée de l’inflation, l’économie américaine fonctionnant déjà à un niveau proche du plein emploi, ce qui conduit à des hausses de salaires. Les marchés de matières premières ayant également amorcé une remontée en 2016, les pressions déflationnistes mondiales sont également en train de s’atténuer.

Nous nous attendons à une hausse des taux obligataires en 2017 en raison de l’assouplissement budgétaire et de la hausse des salaires aux États-Unis, de l’atténuation de la déflation chinoise et d’éventuelles mesures protectionnistes. Nous réduisons donc la duration globale en achetant des titres indexés sur l’inflation et des titres de valeur sur le marché des actions.

Cinq défis pour la gestion d’actifs en 2017

Hausse des taux monétaires et obligataires : nous estimons que les rendements obligataires ont passé le cap de l’après-Brexit. Au plan fondamental, les obligations souveraines sont devenues surévaluées après 35 ans de marchés haussiers. Selon une étude de la Federal Reserve Bank of New York, la prime de remboursement des bons du Trésor américains à 10 ans a atteint l’été dernier son plus bas niveau historique (-75 pb le 8 juillet 2016). Si ce diagnostic se confirmait, cela signifie que le risque est passé des actions aux obligations sous la forme du risque de taux d’intérêt. Une remontée des taux des obligations internationales serait un signe de relance (« reflation »), ce qui ne devrait pas être un obstacle pour les marchés d’actions.

Figure 2 : Évolution du taux des bons du Trésor américain à 10 ans depuis 1900 (%)

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Risque d’erreur de politique: à moyen terme, le large éventail des résultats possibles de la future présidence Trump comprend le risque d’erreur de politique. Une politique excessivement volontariste pourrait conduire à une mauvaise allocation des ressources ou à un choc de taux d’intérêts entraînant un net durcissement des conditions financières. Si les taux obligataires remontent trop vite et trop haut, le risque existe d’un resserrement brutal des conditions monétaires et financières, ce qui serait nuirait à la performance des marchés d’actions. L’introduction de mesures protectionnistes pourrait également faire basculer la « reflation vers la « stagflation ». Un choc de taux d’intérêt provoqué par une hausse des prévisions d’inflation non accompagnée d’une croissance prévisionnelle en hausse pourrait ainsi annoncer une stagflation.

Dissociation des banques centrales: la différence attendue de politique monétaire entre les États-Unis et le reste du monde implique un réalignement des taux de change. Nous pensons que la Réserve fédérale poursuivra, voire accélèrera, son resserrement monétaire tandis que la BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon feront de leur mieux pour éviter toute répercussion négative de la hausse des taux obligataires. Le cycle de resserrement de la Fed américaine est déjà à contre-courant des politiques d’assouplissement de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon. Cela devrait en fin de compte se traduire par une remontée de l’USD et une baisse du JPY et stimuler les exportateurs non américains.

Les cours des marchés émergents reflètent des risques en hausse: l’amélioration des conditions économiques au plan national comme international et la stabilisation des prix des matières premières jouent indéniablement en faveur des marchés émergents. Nous ne pouvons toutefois ignorer les risques que fait peser la victoire de Donald Trump sur les perspectives économiques des marchés émergents, et pas seulement à cause d’éventuelles mesures protectionnistes. La hausse des taux américains pèsera sur les devises émergentes, ce qui pourra entraîner des sorties de capitaux. Les indicateurs de valorisation signalent toutefois un portage intéressant.

Incertitudes politiques en Europe: l’incertitude politique européenne n’a pas disparu avec les élections américaines. Les résultats des sondages de cette année exacerbent l’inquiétude des investisseurs quant à l’évolution politique en Europe. Ils craignent notamment que le référendum en Italie, les prochaines élections générales aux Pays-Bas, et les élections présidentielles et générales en France et en Allemagne remettent en cause l’intégrité de la zone euro. Le début des négociations du Brexit accentuera l’incertitude dans la région, sachant que les conditions du Brexit et son impact sur l’économie sont loin d’être connus.

On notera que le positionnement des investisseurs a penché vers la prudence à l’approche des scrutins de 2016, avec des ratios de liquidités exceptionnellement élevés dans les portefeuilles, et ces sommes ont été replacées à la suite des élections. De plus, les banques centrales ont maintenant l’habitude de suivre le mode d’emploi des crises financières et sont prêtes à apporter d’importantes liquidités aux marchés, ce qui rassure les professionnels des marchés.

Conclusion

Bien que l’éventail des résultats possibles d’une administration Trump soit inhabituellement large, Candriam s’attend à un changement de régime aux États-Unis, qui devrait se répercuter sur les marchés financiers internationaux. Le résultat le plus probable est une remontée de l’inflation et de la croissance sur les prochains mois. À plus long terme, la hausse des taux obligataires, l’augmentation des déficits et l’incertitude politique pourraient accentuer la vulnérabilité des marchés. En termes d’allocation d’actifs, le risque semble être passé des actions aux obligations avec la diminution du risque de récession aux États-Unis pour 2017.

Nous réduisons donc la duration globale en achetant des titres indexés sur l’inflation et des titres de valeur sur le marché des actions. Nous nous attendons à un renforcement de la croissance américaine sur les prochains mois appuyé par des mesures de relance budgétaire, des réductions d’impôt et un assouplissement réglementaire sur fond de marché de l’emploi déjà tendu. Nous surpondérons donc les actions, et notamment les actions américaines et japonaises.