Un cycle de crédit unique » et plus durable, en raison d’une moindre prise de risque

Michael C. Buchanan, Directeur général adjoint des Investissements, Western Asset Management (filiale de Legg Mason )

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Michael Buchanan

Le cycle de crédit actuel est unique en son genre. Des forces sans précédent sont en jeu, et nous pensons qu’elles vont engendrer un cycle plus long que ceux que nous avons pu connaître jusqu’à présent. Ce cycle très particulier sera unique, pour trois raisons principales.

1. Évolution de la régulation

Si les régulateurs se sont montrés excessivement permissifs avant la crise financière, nous sentions qu’ils changeraient leur fusil d’épaule et qu’une réglementation plus stricte favoriserait les investissements en obligations. La capitalisation des banques américaines et européennes a augmenté en flèche dans le sillage de règles plus strictes sur les marchés des capitaux propres.

Une certaine différence est observable entre la façon dont les banques américaines, d’une part, et les banques européennes, d’autre part, ont géré cette crise. Aux États-Unis, les banques ont acté des charges substantielles plus rapidement, comme le montre la baisse des fonds propres survenue entre 2007 et 2008. Les banques européennes ont choisi une approche plus graduelle. Le résultat fut le même des deux côtés de l’Atlantique : des ratios de fonds propres solides et une amélioration manifeste des bilans. Presque toutes ces grandes banques peuvent désormais se prévaloir de ratios de fonds propres record. Les institutions financières représentent une part très conséquente du marché des obligations de qualité.

La fermeté des régulateurs qui ont soutenu cette amélioration fondamentale, a conforté nos choix d’investissement, par rapport aux sociétés financières mais également aux entreprises en général. Les réglementations limitant la capacité d’investissement des banques en vue de souscrire des rachats par endettement (LBO) ont permis de réduire le risque d’augmentation marquée des cessations de paiement dans un proche avenir.

2. Complaisance des banques centrales

Jamais les banques centrales ne s’étaient montrées aussi complaisantes dans le monde entier. Cette politique a contribué à prolonger l’environnement de crédit favorable. Elles ont injecté des montants record de liquidités. Les bilans de la BOJ, de la BCE, de la Fed et de la BOC ont augmenté de plus de 10 000 milliards $ depuis 2010. Aucune de ces banques centrales n’a indiqué d’une quelconque manière son intention de réduire son bilan à court terme. Au contraire, elles restent engagées dans leur objectif de maintien du niveau de liquidité.

3. Prises de risques limitées dans le chef des managements des entreprises

Pour les entreprises, 2007-2008 a été une période extrême, unique dans nos existences. Les entreprises ont vu leurs concurrentes, leurs fournisseurs et leurs clients faire faillite parce qu’ils n’avaient pas de contrôle sur leurs bilans. Ce n’est pas demain la veille que les directeurs financiers, les PDG et les trésoriers adopteront à nouveau ces comportements à risques qui finissent par faire basculer les fondamentaux.

Les entreprises sont traditionnellement assez prudentes dans la gestion de leur bilan. Sur le marché des obligations de qualité, une hausse du taux d’endettement est principalement attribuable à deux phénomènes. Épinglons le rapprochement d’une société bien notée financièrement avec une autre entreprise de taille comparable. Sur la durée, ces types d’acquisition tendent à déboucher sur une baisse prévisible et fiable du taux d’endettement. Par ailleurs, les entreprises de grande qualité, qui n’ont presque pas de dettes, ont choisi de profiter de taux d’intérêt faibles pour s’endetter quelque peu. Ces entreprises affichent toujours un excellent bilan et restent prudentes.

Sur le marché des titres à haut rendement, la baisse des prix des matières premières a entraîné de fortes tensions dans les secteurs de l’énergie, des métaux et de l’exploitation minière. Ces secteurs ont connu en 2016 un niveau très élevé de défauts. Mais désormais, avec la reprise des prix des matières premières, et alors que les entreprises les plus faibles, vulnérables, ont déjà été déclarées en cessation de paiements, le taux d’impayés sur les entreprises ayant survécu baisse rapidement. Les autres secteurs sur le marché du haut rendement n’ont pas connu d’évolution de leur taux d’endettement au cours des 5 dernières années, et les défauts de paiement ont atteint des niveaux historiquement bas.

La Fed ne devrait pas durcir sensiblement sa politique

Nous avions prévu la hausse des taux de la Fed annoncée le 15 mars, mais ce sont plutôt les raisons avancées par la Fed qui nous ont donné à réfléchir. Ce qui a réellement changé, ce sont les conditions financières. Elles se sont améliorées, qu’il s’agisse de ce que l’on peut observer concernant les cours des actions, les marchés des spreads en général ou sur le dollar U.S. Tout cela offre un peu plus de latitude à la Fed mais nous ne pensons pas que le discours évoluera davantage.

Nous prévoyons que les prévisions de taux de la Fed resteront proches de leur niveau actuel. En revanche, nous considérons que la Fed a conscience des initiatives et des politiques pro-business discutées par l’Administration Trump. Mais la Fed a toujours clairement fait savoir son intention de se fonder sur des chiffres réels. Donc, en attendant que l’horizon se dégage, nous ne prévoyons pas que la Fed adopte une attitude manifestement plus ferme. Trois hausses de taux cette année, en 2017, cela paraît raisonnable. C’est généralement le scénario intégré par les marchés.