Un yen trop modeste ?

Francis A. Scotland, Director of Global Macro Research at Brandywine Global (a Legg Mason affiliate)

Cette année, le Japon affiche des chiffres de croissance spectaculaires. Mais depuis janvier, la hausse du cours du yen est en retard sur le bon développement économique. Pour comparaison : l’augmentation de la croissance en Europe a permis à l’euro de gagner 13 % depuis le début de l’année, alors que sur la même période, le yen ne s’est raffermi que de 7 %.

Au deuxième trimestre, l’économie japonaise a progressé de 1 %, ce qui la place en tête du Groupe des sept puissances économiques en termes de performance sur cette période. Cette croissance exceptionnelle au deuxième trimestre était proche de la croissance annuelle moyenne enregistrée depuis 2010. Tout aussi exceptionnel a été le fait que le PIB du deuxième trimestre a révélé que l’économie japonaise tourne à plein régime, y compris la demande intérieure.

Comment expliquer cette croissance?

  • Croissance du tourisme. En juin, le Japon a accueilli 28 millions de visiteurs étrangers, ce qui représente 22 % de sa propre population. En trois ans à peine, ce flux a augmenté de 150 %, et les autorités espèrent attirer encore plus de touristes au cours des prochaines années.
  • Hausse des dépenses en capital de plus de 6 % au deuxième trimestre en base annuelle. Cette hausse s’explique par le fait que les entreprises doivent investir dans l’automatisation pour compenser le manque de main-d’œuvre provoqué par la régression de la population.
  • Croissance de la masse monétaire et des emprunts bancaires, hausse de la rentabilité, hausse de l’inflation du prix des biens d’exploitation et hausse de 1 % du taux d’emploi.
  • Hausse de la rémunération nominale par travailleur de 1 % en base annuelle – de 3,6 % sur les trois dernières années.

    Le marché des changes reste cependant sceptique ou pessimiste quant aux perspectives économiques, à l’évolution de la devise, ou aux deux. Cette perception négative s’explique par la régression de la population, le ratio dette/PIB le plus élevé de tous les pays de l’OCDE, et par une politique monétaire peu orthodoxe la plus agressive du monde. Les missiles nord-coréens qui tombent de temps à autre dans la mer du Japon renforcent encore cette image négative.

    Pourtant, nombre de ces éléments négatifs se trouvent déjà escomptés dans le cours du yen. Il se peut que les investisseurs ignorent une série de points positifs importants. L’économie pourrait continuer à progresser et la balance des paiements pourrait continuer à soutenir le cours de la devise. Certes, la dette publique est intenable, mais la banque du Japon en a pratiquement neutralisé la moitié par le biais de la monétarisation. Par ailleurs, la banque centrale a lutté efficacement contre la déflation. Tous ces éléments donnent à penser qu’il reste encore une belle marge de progression pour le yen.