Les obligations des marchés émergents bénéficiant d’une notation investment grade représentent actuellement une alternative convaincante aux obligations d’entreprise américaines. Bien que la volatilité du marché se soit quelque peu atténuée après la « Journée de la libération » en avril, l’incertitude générale demeure élevée. Cela s’explique notamment par les droits de douane américains, les tensions géopolitiques, les inquiétudes concernant l’augmentation de la dette publique américaine et les débats autour de l’indépendance de la Réserve fédérale. Parallèlement, les actions américaines ont fortement progressé tandis que la croissance des bénéfices a ralenti, poussant de nombreux investisseurs à rechercher des sources de revenus plus stables et une meilleure diversification des risques. C’est ce qu’explique le Dr Frank Härtel, responsable de l’allocation d’actifs de la Banque J. Safra Sarasin.
![]() Frank Härtel |
Au cours des dix dernières années, le marché de la dette des pays émergents a fortement augmenté. De nombreux pays d’Asie, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Europe de l’Est ont amélioré leur politique économique, renforcé leurs finances publiques et réduit leur vulnérabilité aux chocs externes. Cela a conduit à une hausse significative de la part des obligations investment grade. De plus, depuis le « taper tantrum » (une période de forte volatilité boursière) de 2013, les entreprises de ces pays ont considérablement réduit leur endettement, conscientes de leur sensibilité à l’évolution des taux d’intérêt américains. De ce fait, leurs bilans sont aujourd’hui souvent plus solides que ceux d’entreprises américaines comparables.
Ces fondamentaux se reflètent également dans leurs performances. Les obligations d’entreprise des marchés émergents ont affiché ces dernières années un meilleur profil risque-rendement que les obligations d’entreprise américaines. Elles ont connu des baisses de cours similaires lors des crises, mais ont rebondi plus rapidement, par exemple après la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Les spreads des obligations émergentes ont désormais nettement reculé et se situent proches de ceux des obligations américaines, alors que la qualité sous-jacente est dans de nombreux cas supérieure. Fait intéressant : certains pays émergents se financent même à moindre coût que les États-Unis, ce qui témoigne de la solidité de leur position de crédit.
Un facteur supplémentaire soutient ce marché : ces dernières années, les entreprises des marchés émergents ont émis relativement peu de nouvelles obligations. L’offre progresse donc lentement, tandis que la demande se redresse progressivement. Par ailleurs, de nombreux investisseurs dits « momentum » ont quitté ce marché, ce qui a réduit la volatilité et créé des opportunités pour les investisseurs ayant un horizon plus long.
Investir dans ce marché nécessite toutefois une approche prudente. Les ETF passifs offrent certes de la simplicité, mais ne couvrent qu’une partie de l’univers réellement investissable. Les disparités entre pays, secteurs et entreprises sont en outre importantes, ce qui permet aux gestionnaires actifs d’ajouter de la valeur en sélectionnant soigneusement leurs positions. Lors du choix d’un fonds, il faut se méfier des comparaisons standard, car de nombreuses catégories combinent des obligations investment grade, high yield ou encore des stratégies en devises locales, ce qui génère des niveaux de risque très différents.
En résumé, les obligations d’entreprise investment grade des marchés émergents offrent une combinaison attrayante : des fondamentaux plus solides, des spreads comparables à ceux des obligations américaines et un meilleur profil risque-rendement historique. Pour les investisseurs en dollars américains qui souhaitent être moins dépendants de l’économie américaine, cette classe d’actifs constitue une alternative intéressante et souvent sous-estimée.