« Le poids des Etats-Unis est disproportionné »

Les perspectives économiques et financières

Guy Wagner (BLI – Funds For Good)

« L’endettement public élevé fait pression sur les politiques des banques centrales, avec des taux qui vont baisser »

Guy Wagner est le gérant du célèbre fonds BLI – Global Flexible chez Banque de Luxembourg Investments. Il gère également FFG – Global Flexible Sustainable, une version durable de cette stratégie chez Funds For Good. À l’image de la plupart des grands fonds flexibles, l’allocation d’actifs est pilotée par une analyse macroéconomique. « L’environnement économique est en train de changer, avec des cycles de moins en moins marqués ».

« Un autre changement fondamental sont les politiques fiscales expansives. Il n’y a plus aucune tolérance politique pour une récession dans nos économies aux populations vieillissantes, ce qui entraîne un endettement public de plus en plus élevé. » Et il pointe qu’au niveau des États-Unis, les intérêts payés sur la dette dépassent aujourd’hui le montant alloué pour les dépenses militaires. Enfin, il constate également que le monde est devenu bipolaire (Chine / États-Unis), avec une remise en cause du système financier mis en place depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Marges bénéficiaires

« L’ensemble de ces éléments doivent être pris en compte pour gérer nos portefeuilles. Une conséquence de l’endettement public est de faire pression sur les autorités monétaires pour garder un taux directeur faible. L’inflation est devenue structurellement plus élevée, de sorte qu’il faut aujourd’hui considérer qu’une inflation à 2% est désormais plus le plancher que le plafond pour le pilotage des politiques monétaires, comme l’ont récemment montré les différentes baisses du taux directeur de la Fed alors que l’inflation est encore supérieure à 2%. L’accent est aujourd’hui clairement sur l’emploi et le contrôle du service de la dette. »

De même, Guy Wagner souligne qu’il faut prendre conscience que le poids économique des pays émergents est aujourd’hui plus important que celui des pays développés, ce qui a des répercussions dans la construction des portefeuilles. Enfin, il pointe également que les marges bénéficiaires des entreprises américaines ont explosé durant les 30 dernières années, avec des bénéfices passés de 7 à 13% du PIB américain.

Diversification

Au niveau de l’allocation d’actifs, Guy Wagner souligne qu’il faut toujours privilégier les actifs réels (actions) aux actifs monétaires et obligataires. Le fonds est ainsi exposé à 86% sur les actions, un positionnement qu’il justifie par le fait que, derrière les records des indices, de nombreuses sociétés de qualité sont encore très loin de leurs records, citant des exemples comme Novo Nordisk , LVMH ou Fanuc.

« Même si les principaux indices continuent de battre des records, nous continuons paradoxalement de trouver pas mal d’opportunités », explique-t-il, avec un positionnement sectoriel qui privilégie les valeurs industrielles, la santé et les sociétés technologiques en Asie et en Europe. « Au fil du temps, l’offre de ces belles actions continue toutefois de diminuer, car elles sont souvent rachetées ou elles mettent en place des programmes de rachat d’actions. En tant qu’investisseur, il vaut mieux acheter ce qui devient rare que ce qui devient abondant. »

Surpondération

En termes géographiques, il continue de sous-pondérer les États-Unis et de surpondérer l’Asie. « Le marché américain a énormément surperformé depuis la crise financière avec un poids dans les indices mondiaux qui n’a fait que monter pour représenter 70% de la capitalisation globale, alors que l’économie des États-Unis ne représente que 20% du PIB mondial. C’est disproportionné et rappelle la situation du Japon à la fin des années 80. À chaque fois que nous avons assisté à une telle concentration par le passé, cela a rarement été positif pour les rendements futurs. »

Guy Wagner souligne que si la croissance des sociétés technologiques américaines se justifiait autrefois par des flux de trésorerie qui augmentaient aussi vite que les bénéfices, ce n’est désormais plus le cas. « Ces sociétés investissent désormais dans les centres de données et ne sont donc plus aussi asset light qu’auparavant. » En outre, en se faisant concurrence directe dans l’IA ou dans l’infrastructure cloud, elles perdent leur statut de monopole. « Il y a donc de plus en plus de doutes sur le fait que ces investissements massifs dans l’IA seront un jour rentabilisés. Au niveau du secteur technologique, nous préférons les actions européennes et asiatiques aux Magnificent Seven, où nous n’avons plus que des poids relativement faibles dans Microsoft ou Alphabet . »

Cap vers l’Est

« En tant qu’investisseur, il faut de plus en plus se déplacer de l’ouest vers l’est en ce qui concerne les bourses, mais aussi en ce qui concerne les monnaies. »

Guy Wagner continue d’apprécier les perspectives du Japon en raison d’un environnement favorisant la création de valeur pour les actionnaires. « Les bénéfices augmentent beaucoup plus rapidement que la croissance nominale de l’économie japonaise, et le marché continue d’afficher une décote intéressante. Si le yen a été un élément négatif pour notre performance durant les trois dernières années, il est aujourd’hui dramatiquement sous-évalué avec un potentiel d’appréciation important face au dollar dans un environnement où la Fed va continuer à baisser ses taux. »

Un autre facteur de la sous-performance du fonds durant les dernières années a été l’absence d’exposition sur l’or. « Nous avons pris récemment la décision de reconstituer une position sur l’or dans la version durable du fonds proposé par Funds For Good (graduellement vers 10 à 15% des encours), car nous pensons que le métal jaune a un rôle central à jouer dans les efforts de la Chine et des pays émergents pour sortir du système financier dominé par le dollar. »

Il souligne également que la demande provenant des investisseurs a eu tendance à remonter graduellement suite à la baisse des taux d’intérêt. « À l’heure actuelle, il n’y a clairement pas encore d’excès spéculatif sur l’or. Les mines d’or bénéficient de la hausse du cours du métal jaune et de la baisse des prix de l’énergie, et connaissent une explosion de leur rentabilité qui ne se reflète clairement pas dans les valorisations. »