Les trois divergences et les soubresauts des marchés

Chen Zhao, Codirecteur de Global Macro Research, Brandywine Global (une filiale de Legg Mason )

Chenzhao
Chen Zhao

Depuis le taper tantrum de 2013, les frictions permanentes entre la Réserve fédérale et les marchés financiers suscitées par les attentes d'évolution des taux d'intérêt et les perspectives de croissance économique ont été une source d'instabilité sur les marchés. Cette tension n'est pas près de disparaître, car trois divergences existent entre, d'une part, les attentes du marché et, d'autre part, la politique de la banque centrale américaine.

1. La perception et la réalité économique ne correspondent pas. La courbe de Phillips, qui reflète la relation entre le chômage et l'inflation, a induit les décideurs politiques en erreur, surtout au cours des 20-25 dernières années. Pour le moment, cette courbe s'aplanit, ce qui laisse suggérer qu'une économie peut afficher une croissance durable sans provoquer une hausse de l'inflation. Si les décideurs politiques continuent à fonder leur analyse sur la bonne vieille courbe de Phillips, alors, la Fed passera logiquement trop vite à l'action. Mais en conséquence, le marché financier se révoltera et se dressera contre toute décision prématurée.

2. Le caractère cyclique de la croissance du marché américain occulte la tendance économique mondiale. Le cycle économique américain semble être sur la bonne voie : la création d'emplois, la hausse des salaires, le chômage et l'immobilier vont tous dans la bonne direction. Mais d'un point de vue structurel, l'économie mondiale est en proie à des tendances déflationnistes marquées. C'est pourquoi à chaque fois que la Fed évoque une normalisation de la politique monétaire, des menaces de correction des marchés planent. Les marchés reconnaissent que les conditions sous-jacentes demeurent fragiles et que l'économie des États-Unis et celle du reste du monde ne sont pas encore prêtes pour une hausse des taux d'intérêt.

3. La politique va dans plusieurs directions, mais l'économie fait du surplace. Les banques centrales des pays les plus développés appliquent une politique monétaire souple. Mais la politique fiscale est de plus en plus stricte, ce qui affaiblit la croissance et entrave la relance. Cette contradiction explique pourquoi les marchés financiers, par des corrections périodiques, empêchent la Fed d'adopter des mesures significatives pour « normaliser » la politique monétaire.

Quelle est l'incidence sur les marchés financiers?

  • En ne tenant pas suffisamment ou pas du tout compte de ces trois divergences, la Fed aura probablement toujours tendance à agir trop vite et à en faire trop. Cet empressement mettra régulièrement en danger les marchés financiers.
  • Dans les circonstances actuelles, le marché américain des actions pourrait devenir très cher. C'est pourquoi je pense que les investisseurs feraient mieux d'aller au-delà des actions américaines pour trouver mieux et avoir davantage de possibilités de gain.
  • · Une contraction monétaire prématurée de la Fed est susceptible de déboucher sur une inversion de la courbe de rendement des obligations avec une baisse considérable du rendement des obligations à long terme.
  • · Les investisseurs en quête d'un rendement accru seront contraints de se tourner vers les obligations des pays émergents qui comportent également un risque plus élevé.

    Ces trois divergences peuvent être réconciliées, mais cela me semble improbable. Par conséquent, les investisseurs doivent tenir compte de corrections périodiques dès que la Fed cherche à voir si le marché est prêt à accueillir une hausse des taux.